31 oct 2024

Succombez à la pop survoltée de Noga Erez, la performeuse dont tout le monde parle

Entre les folies tendres de Billie Eilish et le rock alternatif de Gorillaz, la jeune musicienne dévoile dans son album The Vandalist une pop expérimentale lorgnant le rap aussi insolite que séduisante.

Noga Erez enflamme la Maroquinerie à Paris

Enfoncée dans un fauteuil club en cuir, Noga Erez arbore le sourire d’une dame satisfaite de sa réplique : “Pour être une femme puissante, il faut accepter d’être une femme vulnérable.” La veille, son concert à La Maroquinerie, dans le XXe arrondissement de Paris, a fait salle comble, et les billets s’étaient écoulés en quelques heures. Sur scène, accompagnée de son concubin, le producteur Ori Rousso qui compose chacun de ses titres, elle présentait notamment plusieurs morceaux extraits de The Vandalist, son troisième disque sorti le 20 septembre dernier.

Au bout d’une demi-heure de show, elle annoncera à ses fans l’arrivée d’un heureux événement, dévoilant à la fosse surexcitée un ventre arrondi sous son imper blanc. Le repos attendra. Noga Erez, 34 ans, n’a pas l’intention de se préserver et se jette aussitôt dans la foule… 

Ce soir-là, aucun spectateur n’a été capable de définir franchement le style musical de l’artiste israélienne. Un couple venu d’Allemagne spécialement pour l’occasion confie avoir découvert la chanteuse sur les réseaux sociaux et s’être aussitôt épris de ses titres frénétiques “dont certains rythmes rappellent les syncopes du ska”. Plus loin, un groupe d’amis risque une autre définition : un hip-hop expérimental percutant, sorte de mutation entre les folies tendres de l’Américaine Billie Eilish et le rock alternatif du groupe anglais Gorillaz. On retiendra surtout les termes employés par une fan de la première heure postée juste devant la scène : “Elle brille par son attitude.” 

Sad Generation, Happy Pictures (2024) de Noga Erez et Flyana Boss.

Une pop insolite parfois inspirée par Flying Lotus

Il est clair que Noga Erez exècre les recettes lisses de l’industrie musicale. Sa musique, une pop insolite qui lorgne le rap, semble libérée de toute contrainte de style et ne pourrait être interprétée que par une performeuse. Ça tombe bien, l’Israélienne est de cette trempe.

Une showgirl distinguée qui fait virevolter ses tenues surdimensionnées, et confirme, au passage, que c’est bien elle qui mène la danse. Pourtant, la jeune femme a, pendant assez longtemps, eu honte de ses lacunes musicales. Elle a donc essayé de rattraper son retard théorique grâce aux enseignements de son partenaire, pour, au final, tout envoyer valser et finir par privilégier l’improvisation et la spontanéité, apanage du jazz dont elle raffole. 

On comprend donc pourquoi, dès le début, sa musique laissait entrevoir des envolées dignes du producteur américain Flying Lotus, maître du jazz électronique psyché et collaborateur de bon nombre d’artistes hip-hop en vogue. En 2017, le titre de Noga Erez, Off the Radar, figurant sur l’album homonyme, était justement inspiré du travail du Californien.

Une œuvre résolument politique dans laquelle elle étrillait sans vergogne un gouvernement placide face au conflit israélo-palestinien. “Ma musique est libre et superpose des couches translucides, reconnaît-elle. Elle comporte énormément d’éléments, mais on peut tous les distinguer, un à un. Elle m’a permis de manifester la colère qui brûle en moi depuis que je suis enfant, puis de la contrôler.” 

Succulent Sessions (2022) de Noga Erez.

Gamine hyperactive, Noga Erez devient rapidement cette artiste jusqu’au-boutiste capable de rapper sur une production pop électronique qui vire soudainement au délire dubstep le temps d’une séquence. “Notre manager ne nous bride pas car il fait primer l’art sur le business. Tous les artistes n’ont pas cette chance…

Inspirée par le flow indolent de Busta Rhymes comme par les succès d’une Missy Elliott de l’époque MTV, Noga Erez s’affiche une nouvelle fois en sale gosse survoltée en confrontation perpétuelle avec le monde, et propose, avec The Vandalist, un disque méticuleux et foudroyant servi par des productions aussi efficaces que celles des superstars américaines. 

The Vandalist de Noga Erez, disponible.