Griff, la popstar adoubée par Taylor Swift et Dua Lipa dévoile son album Vertigo
Numéro a rencontré Griff, la jeune pop star britannique adoubée par Taylor Swift et Dua Lipa. Elle dévoile Vertigo, son premier album sur lequel on retrouve notamment les titres Miss Me Too et Cycles, co-produit avec Mura Masa.
Par La rédaction.
Qui est Griff, la popstar britannique adoubée par Taylor Swift et Dua Lipa
Si elle devait dessiner sa musique comme on peint sur une toile, Sarah Faith Griffiths, 23 ans, opterait pour un turquoise riche et profond. Car on y trouve quelque chose d’assez sombre, quelque chose de brisé. Pour autant, Griff (son pseudonyme) souhaite composer des morceaux lumineux, “des chansons inspirantes et gorgées d’émotions qui parlent du cœur humain et de la condition humaine.” Exemple probant, celle qui cite Whitney Houston, Tina Turner, Taylor Swift et Dua Lipa comme inspirations principales se verrait bien poser ses valises dans un long-métrage multicolore de Wes Anderson si elle en avait la possibilité. Après l’EP The Mirror Talk EP en 2019 et l’album One Foot In Front Of The Other (2021), la chanteuse britannique présentait récemment le second volet de sa série conceptuelle Vertigo dont Taylor Swift a fait la promotion sur les réseaux sociaux. On y retrouve notamment les titres Miss Me Too et Cycles, co-produit avec Mura Masa. Griff était récemment à Paris pour un concert remarqué dans une Machine du Moulin Rouge. Numéro en a profité pour la rencontrer…
L’interview de la chanteuse Griff
Numéro: Lorsque vous étiez petite, qu’aperceviez-vous par le fenêtre de votre chambre ?
Griff: Ma maison se trouvait à la campagne, dans un village très verdoyant d’environ 5 000 personnes. C’était un ancien foyer social peu spacieux mais j’avais accès à une petite terrasse. J’apercevais une ruelle, puis un bar. Un pub anglais souvent bondé. Disons que j’avais pris l’habitude de m’endormir au son des cris de Britanniques complètement saouls…
Ressentez-vous une certaine nostalgie en y repensant ?
Un peu. Je me souviens surtout que j’étais la seule fille. Quand j’ai enfin eu ma propre chambre, c’était un moment très important pour moi. Peu après, je voulais finalement retrouver mes frères…
Était-ce compliqué de grandir dans un village tel que le vôtre en tant que jeune fille métisse ?
Oui… vraiment difficile. C’était un village composé en grande partie de personnes âgées issues de la classe moyenne. Cette population essentiellement blanche, c’est uniquement ce que j’ai connu pendant ma jeunesse. Avec du recul, je me rends compte que c’était assez intense, finalement. Mais j’ai toujours su que notre famille était différente. Il faut dire que le mélange était étrange aussi : vous croisez rarement un couple composé d’une femme chinoise et d’un homme Jamaïcain. Je me suis toujours sentie un peu en décalage par rapport au reste du monde. Cela m’a pris pas mal d’années pour transformer cette différence en force. La plupart des enfants métis vous diront certainement la même chose. On leur parle de richesse mais, finalement, ils n’ont l’impression de n’appartenir à aucune des deux cultures de leurs parents. Ni l’une, ni l’autre, ni les deux en même temps. Moi, je ne me sentais pas assez chinoise pour être chinoise. Ni assez noire pour être vraiment noire. Et je n’étais clairement pas assez blanche pour m’intégrer du tout. Donc je flottais.
Qu’auriez-vous préféré ?
Être blanche… Enfin je crois. Je voulais vraiment que mes cheveux flottent au vent. Je voulais que ma frange soit droite. C’est uniquement lors de mes dernières années d’adolescence que j’ai enfin commencé à l’accepter, cette frange. Et à m’accepter moi-même aussi. En fait, lorsque j’ai commencé la musique et que j’ai réalisé que mes compositions faisaient de moi ce que j’étais. Une personne unique. L’enfance est une période assez impitoyable quand on y pense.
Votre musique est-elle le fruit de cette double culture ?
Mon père en a certainement posé les fondations. Il était amoureux de soul et de R’n’B. De Michael Jackson et de Stevie Wonder. J’ai grandi en l’entendant chanter et en voyant du matériel audio un peu partout. Quand à ma mère, elle a venue au Royaume-Uni, prête à tout sacrifier pour s’offrir une nouvelle vie. Elle m’a légué sa persévérance. Mon amour pour la musique est intrinsèquement lié à mon attrait pour les images de mode. Je ne parle pas d’une dimension technique. Mais à l’âge de seize ans, je passais des heures à regarder des images de mode grandioses. C’était une sorte d’échappatoire. Pour autant, je ne me suis jamais vraiment projetée moi-même dans ces images. J’aimais simplement l’idée de pouvoir construire un monde surréaliste.
Entretenez-vous de bons rapports avec votre tristesse ?
Oui. J’ai l’habitude d’être triste et je suis très à l’aise avec cette émotion. Je ne crains pas non plus la solitude. J’ai tellement été habituée à être seule, vous savez. Quant aux réseaux sociaux, je pense que je pourrais les supprimer en un instant. Lorsque l’on sait que mon métier consiste à se produire devant des gens, c’est assez drôle. L’anxiété sociale est un mot très utilisé par les membres de la génération Z. Personnellement, je ne me suis jamais vraiment demandée si j’étais anxieuse ou non, tout simplement parce que mes parents ne m’ont pas élevé de cette façon, dans l’expression totalement des émotions. Être artiste est contre-nature. On demande à longueur de journée aux gens de nous aimer. Forcément que certains artistes finissent par perdre pied…
En ce qui concerne votre musique, pensez-vous vraiment avoir créé quelque chose de différent des autres ?
J’essaie de ne pas trop y penser. Je me contente d’écrire des chansons qui me touchent et qui me semblent honnêtes et sincères. Et j’espère alors que cela signifie que mes histoires sont légèrement différentes de celles des autres. Je suis une productrice autodidacte. Ma méthode est certainement un peu plus différente, un peu plus brute. Selon moi, une bonne chanson pop aborde un sentiment universel avec un angle original. J’essaie donc toujours de penser à quelque chose qui n’a pas encore été dit avant…
Il paraît que vous êtes une grande fan de Taylor Swift qui a même fait la promotion de votre musique sur les réseaux sociaux. Qu’aimez-vous chez elle?
C’est la première artiste pop que j’ai vraiment découverte parce que j’écoutais beaucoup… À l’âge de huit ans, mon cousin m’a offert un iPod qui comportait l’album Fearless (2008) de Taylor Swift. J’ai directement succombé. Désormais, elle dirige un empire. C’est incroyable ! Lorsque j’ai découvert ce métier je souhaitais simplement devenir compositrice. Je ne me souciais pas vraiment du sort de mes chansons. Mon cœur était dans le studio d’enregistrement. Je ne pensais pas qu’il faudrait devenir une femme d’affaires.
L’industrie musicale vous effraie ?
Oui, beaucoup de choses me font peur dans l’industrie musicale. Cela ressemble parfois à une simple distraction. Je crains que nous ne développions pas vraiment de vrai talent et ne donnions pas d’opportunités aux personnes avec de vraies histoires. Et parfois, on jette juste de l’argent sur des clips musicaux tournés en quinze secondes. C’est fou. Ça oui, ça me fait assez peur…
Vertigo de Griff, disponible. En concert à Paris (Élysée Montmartre), le 16 novembre.