Pink Sweat$ : la soul cristalline d’un homme en rose

Dans l’esprit de David Bowden, la ville de Las Vegas est un paradis où les légendes se donnent rendez-vous. Les monstres de la musique débarquent dans la ville du péché à tour de rôle, comme s’ils récupéraient enfin leur certificat de gloire après une carrière formidable et harassante. Là-bas, on peut croiser Stevie Wonder, les Temptations ou encore le chanteur de soul Smokey Robinson, que David Bowden a justement eu la chance de rencontrer à Los Angeles. Et il se souvient parfaitement des conseils que le vieil homme lui a prodigué : “Ne crois jamais être le seul artiste capable de faire ce que tu fais. Et surtout, sache que tu ne seras jamais aussi bon qu’on le dit… mais jamais aussi mauvais non plus.”

 

 

C’est sous l’alias Pink Sweat$ que David Bowden se fait connaître en 2018, en dévoilant son premier EP acoustique, Volume 1. Il poursuivra sur sa lancée un an plus tard avec un Volume 2. On découvre alors la voix claire et somptueuse d’Afro-Américain de 26 ans, fanatique des hoodies roses, comme le prédisait son pseudonyme. Quant au symbole évocateur qui clôture son surnom, il le choisit “en hommage à tous ces artistes dehors qui ne sont jamais payés pour leur travail et que l’industrie n’a de cesse de rassurer à grand coups de : ‘Ne t’inquiète pas, c’est une question d’art, pas d’argent.” Pink Sweat$ sait de quoi il parle. Il a grandi dans le centre-ville de Philadelphie [Pennsylvanie], deuxième ville de la côte est des États-Unis dont les habitants “méritent une musique qui les ferait se sentir bien et oublier la drogue et les crimes.” Cette musique est peut-être la soul, le R’n’B et le hip-hop qu’il condense dans Pink Planet, son premier album studio dévoilé au mois de février. Des sonorités qu’il affectionne tout autant que la rappeuse Tierra Whack. D’ailleurs, c’est avec elle qu’il en parlait le mieux, à l’époque où ils n’étaient que “deux gosses pauvres qui essayaient de s’en sortir…”

En studio, Pink Sweat$ s’affaire autour de différents instruments jusqu’à trouver ce son qui lui correspond tant, entre la chorale d’une église et la sensualité de Marvin Gaye. Et parce qu’il faut oser pour réussir, il n’hésite pas à passer quelques coups de téléphone pour convier, par exemple, les choristes du Sunday Service de Kanye West à chanter sur son album [Magic] : “Je fais de la musique qui me donne l’impression d’être à l’église. Mais toutes les paroles évoquent ma propre vie, vraiment. Mes compositions musicales ne sont pas uniques en leur genre. En revanche, mon expérience l’est bel et bien. Tout est une question d’approche : comment vais-je chanter ce que je vois ?”

 

 

La force de cet artiste réside sans doute dans son authenticité, sa capacité à faire les choses sans raison apparente. À l’image de la pochette de son nouvel opus, dessinée par l’un de ses amis sans aucun moodboard : “Je voulais créer un monde bizarre. En quelques brouillons c’était réglé.” Dans Pink Planet, son album bien plus fourni que ses premiers EP dépouillés, le chanteur navigue entre les genres, du doo-wop à la soul traditionnelle en passant par la pop contemporaine. Une œuvre abondante construite comme un manifeste à l’encontre des clichés qui écorchent encore les musiciens américains : “Je suis noir, je porte une casquette et un sweatshirt rose. Si je monte dans un Uber, il y a 99% de chances pour que le chauffeur mette du rap à la radio…” Le chanteur n’a pas appris la batterie pour rien, chez lui, tout est question de timing et de tempo : “Je ne cherche même pas à aller dans la direction que les autres ne prennent pas. Je veux justement que les gens ressentent que je fais exactement ce que j’ai envie de faire.” Et ce qu’il rêve de faire, c’est certainement de s’asseoir au bord d’une fontaine de Las Vegas pour regarder les légendes passer devant lui, toute la nuit.

 

 

Pink Planet [WEA], de Pink Sweat$, disponible.