16 mar 2021

H.E.R remporte un Grammy et un Oscar la même année

H.E.R. s’est hissée en quelques années au sommet du R’n’B. Le 14 mars, lors de la 63e cérémonie des Grammy Awards, la chanteuse de 23 ans a remporté le trophée de la “Chanson de l’année” pour son titre “I Can’t Breathe”, co-écrit avec Dernst Emile II et Tiara Thomas. Un hommage saisissant à George Floyd, Afro-Américain étouffé par un policier lors d’une intervention en mai 2020. Lors de la cérémonie des Oscars, elle a remporté le trophée de la “Meilleure Chanson Originale” pour le titre “Fight For You” qui apparaît sur la bande originale de “Judah and the Black Messiah”, le long-métrage de Shaka King.

 

Réalisation Charles Varenne. Directeur de création Amir Zia. Robe en cuir à œillets métalliques, LOUIS VUITTON.

Le dimanche 14 mars, lors de la 63e cérémonie des Grammy Awards, la chanteuse H.E.R a remporté le trophée de la “Chanson de l’année” pour son titre “I Can’t Breathe”, co-écrit avec Dernst Emile II et Tiara Thomas. Un hommage saisissant à George Floyd, Afro-Américain étouffé par un policier lors d’une intervention en mai 2020. C’est la troisième fois que la jeune chanteuse est récompensée, en 2019, elle avait décroché le trophée de la “Meilleure prestation R’n’B” pour Best Part avec Daniel Caesar et celui du “Meilleur album R’n’B” pour H.E.R. Tout récemment, elle a remporté l’Oscar de la “Meilleure Chanson Originale” pour le titre “Fight For You” qui apparaît sur la bande originale de “Judah and the Black Messiah”, le long-métrage de Shaka King qui narre l’histoire d’un informateur qui infiltre les Black Panthers pour le compte du FBI.

 

 

Des débuts précoces, de la lumière à l’ombre

 

En 2016 surgit sur Soundcloud une nouvelle artiste, dissimulée derrière l’énigmatique pseudonyme H.E.R. Sous cet alias, elle publie une série de titres qui constitueront rapidement un EP mais ne s’y dévoile pas pour autant : ses visuels ne montrent qu’une silhouette sombre, tandis que ses interviews restent sous couvert de cet anonymat, attisant le mystère sur son identité. Quant à ses premiers concerts, elle s’y présente – ou plutôt s’y cache – dans une fumée épaisse, éclairée dos à une lumière bleue qui maintient cette dissimulation de son visage. On apprend alors que son nom d’artiste, H.E.R., est en réalité l’acronyme de “Having Everything Revealed”, paradoxe notable pour une artiste aussi discrète. Mais bientôt, Gabi Wilson sera trahie par une reprise de Drake, publiée en 2015 son vrai nom et dénichée par des fans hâtifs de la démasquer.

 

Pourtant, Gabi Wilson est loin d’être une complète inconnue des médias. Alors qu’elle grandit près de San Francisco, mue par un amour inconditionnel pour la musique, cette fille d’une mère philippine et d’un père afro-américain fait dès l’âge de dix ans ses débuts à la télévision sur le plateau du Today Show, où elle reprend No One d’Alicia Keys : dès lors, elle s’illustre par sa technique vocale et son aisance au piano, deux instruments parmi d’autres qu’elle apprend à dompter depuis son enfance. Plus tard, la guitare deviendra d’ailleurs son instrument fétiche qu’elle emmènera partout avec elle. Jeune prodige, elle signe alors avec un label à seulement 14 ans, puis sort deux ans plus tard le morceau Something to Prove sous son vrai nom. Hommage manifeste au R’n’B de la fin des années 1990, ce premier titre annonce déjà les influences qui imprégneront l’ensemble de sa production.

C’est en 2017 que Gabi Wilson se révèle officiellement, profitant de la sortie du deuxième EP de H.E.R. pour lever le voile sur son identité. Toutefois, la tombée de cet anonymat restera partielle : depuis, comme une signature, l’artiste apparaît presque toujours affublée de lunettes de soleil – une manière symbolique pour elle de maintenir cette distance avec sa vie privée.

 

 

 

Une artiste productive, consacrée par les Grammys

 

Dès ses premiers titres, H.E.R. amorce un R’n’B délicat qui flirte avec la soul. Loin d’y être éclipsée, sa voix s’y affirme d’emblée comme puissante et maîtrisée, capable de se moduler en de nombreuses nuances. Productive, l’Américaine sort non moins de trois EP en à peine un an, et écrit et produit la grande majorité de ses titres. Le grand public la découvre avec son morceau Focus lorsque celui-ci est joué en fond d’une story Instagram de Rihanna : l’artiste attire alors une plus grande attention. En octobre 2017, elle rassemble ses trois EP dans un premier album, H.E.R., qu’elle sort à l’âge de vingt ans. Acclamé par la critique, cet opus lui permet de remporter deux Grammy Awards sur cinq nominations en 2019 : l’un pour le meilleur album R’n’B et l’autre pour la meilleure performance R’n’B sur le titre Best Part. Loin de prendre ce succès pour acquis, l’artiste a déjà sorti depuis un nouvel EP en deux volumes, respectivement en août et en novembre 2018.

Des titres autobiographiques et engagés

 

Depuis, H.E.R. poursuit sa route : fin mars 2019, l’AccorHotels Arena à Paris l’accueillait en première partie du concert de Childish Gambino quelques semaines avant qu’elle ne foule la scène du festival Coachella. Premier single extrait de son dernier EP intitulé I Used to Know Her : Part 2, le titre Hard Place donne lieu à un clip d’apparence autobiographique mettant en scène la carrière de la chanteuse en parallèle de celle de son amant. Comme dans son précédent clip Could’ve Been, elle tombe ses désormais embématiques lunettes et se met à nu pour relater les obstacles rencontrés par un couple à la lumière de la célébrité : le succès de l’artiste, adoubée par le public sur et hors de la scène, devient sujet de tensions dans sa relation qui souffre de ce déséquilibre. Une allégorie des mutations récentes dans la vie de H.E.R. qui traduit une route vers la gloire parfois tortueuse, mais néanmoins salutaire.

 

Bouleversée et indignée par l’assassinat de George Floyd par un policier blanc le 25 mai dernier, la chanteuse revenait récemment avec deux titres inédits, écrits et enregistrés en réaction presque immédiate à ce contexte préoccupant. Le premier, une ballade intitulée I’m not OK, exprimait son insécurité de femme de couleur aux Etats-Unis que prolongent les paroles du deuxième, baptisé I Can’t Breathe d’après les derniers mots prononcés par George Floyd avant sa mort et illustré par un clip reprenant des images des récentes manifestations anti-racisme. Un engagement sincère et émouvant de la part de Gabi Wilson, qui confirme une nouvelle fois sa position d’artiste ancrée dans son époque.