15 sept 2020

Visitez la villa Cozzano, le coin de paradis au cœur de l’Italie

Dans le village de Cozzano, en Italie centrale, Manuel Fabrizi, le jeune propriétaire de la Villa Cozzano, se bat pour repousser les assauts d’industriels qui tentent d’implanter, dans ce coin de paradis, leurs usines polluantes.

Etendue sur quelque 28 hectares, dans la province de Pérouse, la propriété se partage entre la région d’Ombrie et la Toscane. À une quinzaine de kilomètres s’étend le Val d’Orcia, classé au patrimoine mondial de l’Humanité établi par l’Unesco. Préservé jusqu’à ce jour, cet important parc naturel traversé par une rivière a inspiré aux peintres de la Renaissance des tableaux iconiques représentant une humanité capable de vivre en harmonie avec la nature. À la lisière de la Toscane et de l’Ombrie, la villa Cozzano est aujourd’hui un bed and breakfast de haut vol, où les fenêtres de la guesthouse en pierres traditionnelle s’ouvrent sur un paysage de rêve : les oliviers et les vignes de la propriété s’étendent à perte de vue. A l’horizon, la montagne, et le lac de Montepulciano. La villa, dotée d’une piscine surplombée de cyprès, permet une immersion totale dans un monde de volupté, entre nature et traditions. Producteurs de leurs propres vin, miel et huile d’olive certifiés biologiques, le jeune Manuel Fabrizi (22 ans), son père Cristiano et sa mère Manuela, accueillent les visiteurs avec bienveillance et générosité.

 

A l’heure où l’épidémie mondiale du Covid 19 pousse les hommes à reconsidérer l’importance des productions et des ancrages locaux, antidotes d’un commerce mondialisé basé sur l’agriculture intensive, et sur l’exploitation abusive des ressources naturelles et humaines, le petit paradis que constitue la Villa Cozzano semble d’autant plus précieux, et sa sauvegarde, menacée par les industriels, s’inscrit dans une réflexion menée à l’échelle mondiale. Le 22 juillet, la maison Dior présentait ainsi, sous l’impulsion de sa directrice artistique italienne Maria Grazia Chiuri, son défilé croisière dans les Pouilles, région d’où le père de la créatrice est originaire. “À notre époque, où l’on parle de plus en plus de ‘penser à l’échelle locale’, il faut aider les gens à voir ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils ont, déclarait-elle récemment à Numéro. Il ne sert à rien de fantasmer sur un modèle qui ne conviendrait pas du tout à votre culture. Après une période où la mondialisation tendait à l’uniformisation, on revient enfin à la valorisation des différences et des identités.

C’est en 1543 que furent construits les bâtiments de la Villa Cozzano. “À l’époque, explique Manuel Fabrizi, la ferme de mes aïeux était une sorte de centre culturel et social qui mêlait les riches et les pauvres. Puis plus tard, la propriété abritait une école, où ma grand-mère enseignait, un élevage de porcs, et un cordonnier. La maison commune qui abrite aujourd’hui notre salle de réfectoire et notre cuisine, était ouverte aux familles des enfants scolarisés et à celles des ouvriers agricoles qui venaient cuisiner et partager un repas. Et dans la cave de notre maison principale, où logeaient les ouvriers agricoles, étaient organisées des soirées où les personnes de haut rang venaient danser.” Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande tente de mettre la main sur les produits de la ferme, qui sont subtilement cachés par ses occupants. Le lieu devient alors un refuge pour les habitants des villages de Cozzano et de Pozzuolo, où la présence des soldats reste forte. Cette vocation de refuge et centre culturel jusque dans les années 80, où l’exode rural touche fortement la région. La ferme devient alors inoccupée. En 2001, Cristiano et Manuela Fabrizi décident de le transformer en bed and breakfast. Mais les difficultés ne tardent pas à s’accumuler, et la banqueroute guette. Jusqu’à ce que leur fils Manuele décide de consacrer son temps et sa vie à sauver la propriété familiale.

 

En effet, la région, pourtant labellisée par l’UNESCO, attire les convoitises des industriels locaux. Une première usine, Menconi SRL, qui fabrique du bitume, parvient à s’implanter. Puis une deuxième, qui produit des engrais à partir de biomasse. Cette intrusion –assortie d’un projet plus vaste comportant notamment l’enfouissement de déchets toxiques– constitue, aux yeux de Manuel Fabrizi, un premier pas vers une pollution généralisée de la région agricole. C’est donc aux côtés de Valeria Passeri, avocate et vice-présidente de la WWF de Pérouse, dans la région d’Ombrie, qu’il se bat pour leur barrer la route. “J’essaie de sauver Cozzano, explique Valeria Passeri, parce que ce lieu est magnifique et parce qu'il est proche de la réserve naturelle de Montepulciano. Les deux usines qui s’y sont implantées font partie des plus polluantes possibles, ce qui, dans ce site protégé, constitue une violation de la loi italienne. Le problème est qu’ici, la corruption est partout. Les personnes chargées de l’inspection des sites sont souvent des amis des industriels locaux. Et les chefs d’entreprise versent des pots de vin aux associations chargées de l’environnement, si bien que tout reste caché. Les fermiers qui vivent à côté des usines, en hauteur, sur une colline, ont déjà des problèmes de santé liés aux fumées toxiques, et ils ont dû cesser la production d'huile d’olive, car l’air est pollué. Nous avons donc écrit à la procureure de la République. Une enquête est en cours, et nous avons déjà réussi à réduire les horaires d’activité autorisés aux usines.

Avec courage et détermination, Manuel Fabrizi se bat pour conserver intact le joyau familial, véritable havre de paix. Pour faire connaître son combat, et braquer les phares sur les régions de Toscane et Ombrie, en proie à des difficultés financières, il s’apprête à lancer une association à but non lucratif vouée à replanter des arbres. “Pour 20€, poursuit-il, on recevra une bouteille d’huile d’olive, et la possibilité de suivre le développement de l’arbre que nous aurons planté grâce à la contribution”. Pour poursuivre la tradition culturelle de la région, il souhaite également organiser des résidences artistiques. “Ce lieu m’a donné beaucoup de joie, à des moments où mon existence était plombée par des problèmes personnels. Mon but est donc simple : je veux faire connaître la villa Cozzano et la développer, la rendre encore plus belle, pour la transmettre aux générations à venir.”