Qui est Rok Hwang, jeune talent récompensé du prix spécial du jury LVMH 2018
Depuis sa création, le prix LVMH fondé par Delphine Arnault récompense de très jeunes talents de la mode venus de tous les horizons. Cette année, pour sa cinquième édition, son prestigieux et exigeant jury a mis à l’honneur le Japon et la Corée du Sud, en décernant le grand prix à Masayuki Ino, créateur du label Doublet, et le prix spécial du jury à Rok Hwang, fondateur de la marque Rokh.
Par Daphne Grünwald.
Portrait Romain Bernardie-James.
L’enfance de Rok Hwang, fondateur de la marque Rokh qui a remporté le prix spécial du jury LVMH, s’est déroulée loin des capitales de mode : “Je suis né à Séoul, puis ma famille a déménagé à Austin. Mon père était économiste, et il avait installé son mobile home à côté de Forest Lake. Quand j’étais enfant, j’ai eu la chance de passer beaucoup de temps dans les bois et de nager dans les eaux fraîches des rivières. À 19 ans, j’ai emménagé en Angleterre où je vis encore aujourd’hui.”
Sous influence anglaise, le parcours de Rok Hwang prend dès lors une tournure plus classique : l’amour de l’indie pop, ce fleuron britannique à l’imagerie fascinante, le conduit à se passionner pour la photo et la mode. Il se dirige alors vers le Central Saint Martins Collège, véritable pépinière qui a vu éclore, entre autres créateurs de talent, John Galliano et Stella McCartney. C’est d’abord le prêt-à-porter masculin qui l’attire : “C’était très excitant, car les barrières traditionnelles qui ont longtemps restreint le vocabulaire de la mode masculine à son expression la plus classique étaient en train de disparaître. J’étais très intrigué par tout ce que la jeunesse londonienne exprimait à ce sujet.” L’inénarrable Louise Wilson, figure tutélaire de l’école et directrice du programme de mode, pousse cependant le jeune étudiant à se lancer dans le prêt-à-porter féminin. “Pour moi, les deux sont très déconnectés. Mais je fais toujours la part belle au tailoring et à la justesse des coupes.” Cette précision lui attire la sympathie de Phoebe Philo, et c’est auprès de la créatrice, dans le studio Céline, que le jeune homme fourbit ses armes, affine sa vision d’un vestiaire contemporain qui twiste intelligemment les classiques chics avec l’irrévérence et le désir de séduction immédiate qui caractérise sa génération.
Lorsqu’il lance son label en 2016, Rok Hwang est déjà sûr de son goût, sûr de son style, et passe volontiers des heures à chercher, lors des essayages, la juste distance entre le corps et le vêtement, celle qui fera ressortir la complexité de sa néo-bourgeoise déglinguée. Les jupes longues déclinées dans des teintes classiques de beige, les blouses à lavallière à manches très longues, les pantalons légèrement flared à motif classique de pied-de-coq sont revisités pour atteindre un subtil second degré, et pour révéler les failles et les fragilités de la femme qu’il imagine. “Ce sont les femmes très réelles plutôt que les super-héroïnes qui m’inspirent, explique-t-il. Depuis mes débuts dans ce milieu, j’ai rencontré beaucoup de femmes talentueuses, mais toutes n’étaient pas des guerrières. Celles qui m’ont marqué étaient honnêtes et douces.”
À la manière d’un peintre, Rok Hwang aime s’isoler dans son atelier, entouré d’échantillons de tissus, d’imprimés, de broderies, plutôt que d’éplucher les magazines de mode au risque de la redite, comme le font tous les jeunes adeptes du moodboard. Plutôt que de vouloir conquérir la planète, le jeune créateur sensible entend, avec la bourse allouée par LVMH – 150 000 euros – diffuser le bonheur autour de lui : “J’ai de grands rêves, et je veux créer un label qui apporte du bonheur à de nombreuses personnes : à mes clientes, mais aussi aux membres de mon équipe”, expliquet-il. Avant d’ajouter : “Surtout, j’entends faire comme si de rien n’était et continuer mon travail quotidien.”
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