21 fév 2024

Qui est Erika de Casier, la productrice qui réinvente le R’n’B ?

À Copenhague, Erika de Casier produit un son ouaté, délicat et moderne, fruit, entre autres, de sa fascination pour le R’n’B des années 2000. Dans ses morceaux, elle entremêle influences jazz, pop, hip-hop, trip-hop et renouvelle un genre qui n’a pas fini de surprendre. Son nouvel album, Still, sort le 21 février 2024. L’occasion de revenir sur son parcours impressionnant, fait de collaborations avec Dua Lipa, Blood Orange et Shygirl.

© Dennis Mortonerika

À la place d’Erika de Casier, n’importe quelle jeune chanteuse, en découvrant que Dua Lipa avait partagé l’un de ses titres sur les réseaux sociaux, aurait sauté au plafond et assommé ses amies de textos jubilatoires, avant de s’auto-congratuler, à la vue de tous, sur son compte Instagram. La Danoise, elle, a simplement remercié la reine de la pop, qui a sobrement rétorqué : “Voudrais-tu remixer l’un de mes titres ?” Lorsque ce fut chose faite, le morceau Physical s’est retrouvé sur la chaîne YouTube de la star, bénéficiant d’un véritable coup de pouce d’audience. Pourtant, d’après Erika de Casier, il n’y a vraiment pas de quoi en faire toute une histoire.

 

Erika de Casier, la productrice R’n’B qui a collaboré avec Dua Lipa

 

Née au Portugal, la musicienne âgée de 33 ans est depuis longtemps basée à Copenhague où elle aime, en toute simplicité, organiser des karaokés avec ses copines, se tenant éloignée des soirées trop guindées de Paris ou de Londres. Elle ne porte pas de maquillage, préfère les lunettes de soleil extra larges aux imprimés lunes de Marine Serre qui font succomber le monde de la pop tout entier, et enregistre des lives pour la prestigieuse chaîne Boiler Room.

 

Juste après avoir échangé avec Dua Lipa, celle qui d’habitude écume les petites salles des quatre coins du monde  – d’Osaka à Berlin, en passant par Amsterdam – s’est retrouvée à chanter dans sa chambre, avec peu de lumière et peu d’espace, entre une lampe à lave allumée et une penderie visiblement bien rangée. Déplorant la difficulté qu’elle a eue à se mettre en scène, elle en a pourtant épaté beaucoup avec cette vidéo : dans les commentaires, la plupart des gens ont salué son immense talent, tandis que d’autres se sont offusqués du fait qu’elle ne soit pas encore “reconnue comme elle le mérite”.

Une ode à la pop et au R’n’B des années 2000

 

La gloire est un sommet à ne pas atteindre trop vite, trop jeune. Même si elle entretient le mystère sur son âge, on sait qu’Erika de Casier a le temps. Amie proche du duo techno Smerz, la chanteuse a débuté la musique il n’y a pas si longtemps et a déjà publié un excellent album, Essentials. Elle a la sorti un deuxième disque en 2021, Sensational, où se mêlent – comme sur le précédent opus – jazz, pop, hip-hop, trip-hop et, le plus important, R’n’B. 

 

Fan invétérée de Craig David, elle s’inspire volontiers du crooner britannique déchu, considérant son album Born to Do It (2000) comme “un chef-d’œuvre dont les mélodies, les sons de harpe, les riffs de guitare incroyables et les voix lui confèrent une aura magique”. Mais ceux qui lui ont donné envie, gamine, de se lancer dans la musique, sont ses modèles, des Destiny’s Child à TLC, et plus encore, Pharrell Williams.

 

Lorsqu’en 2005 ce dernier annonce faire une apparition aux Danish Music Awards, la petite fille supplie sa mère de l’y conduire et campe pendant huit heures devant des portes closes, juste pour voir l’Américain performer un seul titre : “J’avais tellement de posters de lui dans ma chambre ! [Rires.] Comme beaucoup de jeunes de mon âge, j’étais une grande fan. Lorsqu’il a chanté Can I Have It Like That, en duo avec Gwen Stefani, j’ai eu l’impression que nous avions eu un contact visuel. Je ne sais pas si c’est vraiment arrivé ou si j’étais juste hyper excitée…” Tandis que la jeune fille grandit, sa toute-puissante idole se transforme logiquement, à ses yeux, en musicien surdoué : “J’ai acquis une vraie forme de respect pour Pharrell en tant que producteur, il a fait des projets de dingue avec Chad Hugo et leur duo The Neptunes.”

Still, un nouvel album avec des collaborations prestigieuses, de Blood Orange à Shygirl

 

Erika de Casier doit cette fascination pour les figures de l’âge d’or du R’n’B à son âge, bien sûr, mais également à la façon dont elle a su analyser les immenses succès de ces stars arborant joggings en velours et crop-tops à motifs cachemire. “Au début des années 2000, les Destiny’s Child et TLC sont apparues comme des femmes très indépendantes. Avant tout le monde dans l’industrie de la musique, elles ont clamé haut et fort leur féminité. Ça a été très valorisant pour toutes les filles”, observe-t-elle. L’artiste ne se gêne pas pour se réapproprier les codes du genre, en y injectant sa touche personnelle : douce, délicate et moderne. Extrêmement sobres et élégants, ses clips – qu’elle réalise d’ailleurs elle-même – convoquent plusieurs influences : télé-réalité, stalker movies [films qui mettent en scène un personnage qui en observe un autre de façon malsaine], mais aussi vidéos personnelles de soirées entre amis ou de balades à vélo… Certains évoquent la sensualité théâtrale de la jeune Angela Hayes dans American Beauty, d’autres l’ambiance vaporeuse des clubs branchés de Copenhague.

 

À son image, la musique d’Erika de Casier est spontanée. Elle peut être produite dans un studio partagé avec dix personnes, dans le coin d’une chambre ou dans une maison de vacances appartenant à l’un des amis de la jeune femme. Là, elle compose, chante, et surtout, s’amuse. Pas question d’essayer de faire du business. Ou presque. Signée chez 4AD – label indépendant culte britannique –, la jeune femme a depuis remarqué qu’avant ça, elle se chargeait elle-même de sa carrière, cherchant des gens avec qui collaborer et faisant en sorte que “tout se passe bien”.

 

Désormais, on l’aiguille et l’aide à atteindre ses objectifs pour qu’elle puisse enfin se concentrer uniquement sur ce qu’elle souhaite faire : chanter et réaliser des clips. C’est peut-être ça, débuter dans la musique. Bâtir sa petite entreprise, se muer en stratège – en calculant, par exemple, la façon dont on doit nommer les chansons en fonction des tendances – puis, une fois les fondations posées, se laisser guider et conseiller. Erika de Casier n’est jamais allée jusque-là, et ne semble pas se poser beaucoup de questions, hormis l’intemporelle : “Mes morceaux passeront-ils l’épreuve du temps ?” 

 

Avec son troisième album, Still, qui sort ce 21 février 2024, Erika de Casier confirme son talent pour créer des mélodies qui ne se démoderont pas au fil des années. Porté par des collaborations avec Blood Orange et Shygirl, l’opus raconte une relation amoureuse du début à la fin, sur fond d’electronica et de R’n’B. Erika de Casier sera en concert le 23 mai prochain à la Gaîté Lyrique, à Paris et il ne faudra pas la rater…

 

Still (2024) d’Erika de Casier, disponible en digital.