Du fond de la jungle à la galaxie : l’odyssée de Phipps dans sa collection printemps-été 2022
Pour cette nouvelle saison masculine, le jeune label américain Phipps propose une collection en trois volet qui revisite les archétypes de la masculinité : d’abord, les explorateurs d’une jungle sauvage, ensuite, les combattants au cœur d’une arène, et enfin, les incarnations futuristes du masculin à bord d’une station spatiale.
Par Matthieu Jacquet.
Cela fait maintenant plus de trois ans que Spencer Phipps a fondé son label Phipps, et son implantation dans le paysage de la mode contemporaine est bien claire. Saison après saison, le créateur américain revisite des vestiaires fonctionnels, utilitaires et sportifs en vue de défendre une vision à la fois raisonnée et éthique du vêtement : chacune de ses collections se fait l’écho d’une grande sensibilité à notre planète et aux dangers qui la guettent, autant qu’une célébration explicite de la nature et ses multiples richesses. Un postulat qui se confirme avec ce nouveau vestiaire, imaginé par son auteur comme l’illustration du passage du jeune garçon à l’homme questionnant au passage les prédicats de la masculinité et les modèles qui les ont incarnés depuis sa propre enfance. Pour transposer cette idée en silhouettes, Spencer Phipps a divisé sa collection en trois tableaux, tous signifiés par un univers, des couleurs et un décors différents. Le premier nous plonge dans la jungle profonde, dont les mannequins deviennent de véritables explorateurs qui renouvellent la figure de l’aventurier : gilets, chemises sans manches, shorts, jupes, polaires à zip, salopettes, bottes à lacets montantes et même bananes en cuir sont de mises pour parfaire ces ensembles pratiques en matières épaisses et résistantes, pensés pour se fondre dans un décor sauvage. Le créateur y décline ainsi des camaïeux de verts, beiges et bruns, réveillés par quelques oranges, jaunes et roses vifs, tout en revisitant des imprimé léopards, camouflage et tropicaux en adéquation avec ce contexte. L’inspiration punk n’est pas loin pour autant, comme en attestent des vestes et pantalons en denim couverts de patchs colorés, tandis que quelques colliers d’inspiration tribales apportent une touche dépaysante.
Puis c’est l’entrée dans le deuxième tableau : l’arène, du moins une arène imaginaire à l’image de celles de la Rome antique, désormais devenues vestiges, dans lesquels s’affrontaient jadis les gladiateurs et conducteurs de chars. Très inspiré par les tenues flamboyante des catcheurs contemporains, Spencer Phipps revisite ces archétypes de la masculinité en proposant des tee-shirt aux airs de maillots de sport, des pantalons et shorts courts décorés de flammes et survêtements parsemés de dragons dorés, où le rouge écarlate émerge du noir comme couleur dominante. Enfin, l’odyssée de Phipps s’achève dans un paysage cosmique aux airs de station spatiale : dès lors, les silhouettes s’assombrissent et le bleu marine et l’ébène enveloppent un costume à rayures tennis et empiècements techniques, un blouson décoré de cristaux colorés, un tee-shirt habillé d’un dessin stellaire ou encore une large parka. Grand cinéphile, Spencer Phipps met en scène sa collection et lui-même dans un film suivant là aussi ces trois volets, incarnés par les mouvements des mannequins et une musique qui s’en fait l’écho. L’occasion pour le créateur d’inaugurer également sa ligne Phipps Lab, consacrée à des créations en matériaux upcyclés plutôt non-conventionnels dans l’industrie de la mode : des composantes informatiques désuètes deviennent des bijoux, des pneus de vélos deviennent des ceintures, tandis que d’anciens sacs à pommes de terre sont détissés pour former un étonnant costume imitant le pelage du yéti, et qui surgit au milieu de la collection comme le messager étrange d’une nature encore bien mystérieuse.