Rencontre avec Lolo Zouaï : “Je peux enfin jouer à la pop star”
Lolo Zouaï revient avec un nouveau morceau au titre évocateur, Galipette, deux ans après le succès de son premier album High Highs to Low Lows, un condensé de R’n’B efficace et salué par la critique. Bien décidée à changer de cap, la chanteuse de 26 ans enfile enfin le costume d’une pop star. Rencontre.
Par Alexis Thibault.
Si elle devait assister au concert d’un artiste disparu, Lolo Zouaï s’offrirait un ticket pour celui de 2Pac… ou d’Edith Piaf. Elle ne donnera pas plus d’explications sur ce choix. Avant de jouer des coudes pour se faire une place au sein de l’industrie musicale, la chanteuse jouait à la Game Boy, s’occupait de son Tamagotchi, assemblait un Rubik’s Cube ou se vidait la tête en regardant de mauvais programmes télévisés. Madame-tout-le-monde. Aujourd’hui, elle est soutenue par Billie Eilish, Grimes, Dua Lipa, dont elle assure la première partie, ou encore Blood Orange avec lequel elle a collaboré sur le morceau Jade. Il y a deux ans, la jeune femme a connu une ascension fulgurante grâce à High Highs to Low Lows, un premier album proposé au label le plus offrant et quasiment sorti à la va-vite.
L’image que l’on avait gardé de Lolo Zouaï est celle d’une blonde en veste de survêtement oversize, cigarette à la bouche, défiant l’objectif d’un regard aussi assuré que son trait d’eyeliner. C’était justement la jaquette de High Highs to Low Lows, un condensé de R’n’B efficace sorti en décembre 2019, qui fonctionne, selon le journaliste de Pitchfork Jackson Howard, “parce que Zouaï se sent à la fois vulnérable, sexy et profondément humaine…” Au moment de sa tournée promotionnelle, on la bombardera de questions à propos de son jeune âge (24 ans) et de ses origines – elle est née à Paris d’une mère française et d’un père algérien mais a déménagé très tôt aux États-unis – ce qui finira évidemment par agacer l’artiste polyglotte : “Au bout d’un moment, je n’avais plus envie de parler de mes origines… ‘Êtes-vous française ou américaine ?’ Je suis les deux ! Il serait temps de passer à autre chose !” Il y a quelques jours, c’est un autre visage que l’on a découvert sur la pochette de son nouveau single, Galipette. Celui d’une poupée maquillée à outrance arborant un sourire dérangeant duquel surgit une dent en argent. Un croisement entre le rappeur mutin Slowthai et l’imagerie inquiétante du génie de la musique électronique Aphex Twin, notamment son album Richard D. James (1996). Pour son grand retour, Lolo Zouaï a tué Laureen Rebeha Zouaï pour enfiler le costume d’un personnage pop: “Mon premier album était très intime. Comme je souhaitais me présenter, j’y racontais simplement mon histoire. Aujourd’hui je n’ai plus aucun complexe et je suis prête à proposer quelque chose de plus fun, quitte à flirter avec le ridicule. La tristesse n’est plus un point de départ, je peux enfin jouer à la pop star.”
Pour jouer à l’héroïne pop, il faut une botte secrète. La sienne ? Des paroles féministes destinées à tout le monde, et les compositions de Stelios, un producteur chypriote qui manie les basses trap et les hurlements de synthétiseurs comme personne. Aujourd’hui, Lolo Zouaï n’a donc plus envie d’écrire des chansons tristes, préférant explorer quelque chose de plus ténébreux, d’encore plus sexy aussi. Le genre de choses que l’on pourrait écouter pendant l’amour. Dans son nouveau projet, elle s’amuse en explorant les limites de sa voix à la manière de Fergie ou de Gwen Stefani. Et tout venait naturellement: “Certains ne comprendront pas mon nouveau morceau, Galipette, mais j’avais vraiment envie d’inventer quelque chose, quitte à mélanger le rap et la musique yéyé des années 60. Je n’ai plus peur de rien.”
Il faut dire que la liste de ses phobies n’est pas très longue : les turbulences en avion et la nage en pleine mer, lorsqu’elle ne voit plus ce qui se dissimule sous ses pieds. Pourtant, c’est bien au fond de l’eau que l’on retrouve la chanteuse dans le clip Galipette, réalisé par Amber Grace Johnson, collaboratrice de Jorja Smith et de Kali Uchis. Dans cette vidéo, Lolo Zouaï affronte un adversaire dans un improbable combat aquatique, gants de boxe au poings, avant de rejoindre la chorégraphie des championnes de l’équipe féminine de gymnastique de l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) puis d’apparaître en tailleur, en bon cliché de la businesswoman. Mais le plus amusant dans cette histoire, c’est que la chanteuse n’avait même pas envisagé le double sens du terme “galipette : “Je ne savais pas que ce mot avait une connotation sexuelle ! Ça m’arrive tout le temps, confie-t-elle dans un éclat de rire. Mais je me suis dit que c’était parfait, cela ajoutait un caractère insolent au morceau. Un petit côté ‘Tu veux mon cul mais tu ne peux pas l’avoir…”
À ce jour, le titre éponyme de l’album High Highs to Low Lows cumule plus de 65 millions de streams… Mais Lolo Zouaï s’en moque car elle n’a qu’un mot à la bouche: hybridation. Ce que l’on retrouve dans les morceaux de l’Espagnole Rosalia, l’une des dernières à avoir inventé un genre musical en mêlant le hip-hop au flamenco pour s’imposer sur la scène musicale américaine et influencer toute une génération à l’instar de Lil Nas X et de son sulfureux Montero (Call me by your name). Finalement, la chanteuse nous confie que le point de départ de chacune de ses chansons est… un titre. Un joli titre, original – comme Desert Rose ou Cafeine – qui lui permettra d’écrire pendant des heures sur son ordinateur. Le dernier en date est pour le moins enfantin : Galipette.
Galipette [Because Music] de Lolo Zouaï, disponible.