13 jan 2021

Faut-il succomber à la série à succès Lupin sur Netflix ?

Après “La Révolution”, Netflix s’attaque à un autre symbole bien français, Arsène Lupin. Dans le Paris d’aujourd’hui, Omar Sy incarne un gentleman cambrioleur au grand cœur qui subtilise l’attention du spectateur comme les audiences. Mais faut-il vraiment succomber à cette superproduction “bling” ?

Quelque chose de formidable se trame en ce moment dans la pop culture. L’idée qu’un personnage “historique” n’a pas à se cantonner à une couleur de peau ou un sexe. On a vu ainsi des aristocrates noirs se glisser dans les costumes de la série La Chronique des Bridgerton… L’actrice Lashana Lynch sera bientôt la première femme noire à endosser le rôle de l’agent 007 et Zorro devrait avoir les traits de l’Américano-Colombienne Sofía Vergara très prochainement dans une série. Lupin, le nouveau carton de Netflix, s’inscrit dans cette lignée de fictions s’attelant à moderniser des mythes éculés. Après Robert Lamoureux, Georges Descrières, Jean-Claude Brialy et Romain Duris, c’est un acteur noir qui incarne non pas Lupin lui-même, mais Assane Diop, un héros fan du célèbre gentleman cambrioleur. Comme le personnage de Maurice Leblanc apparu pour la première fois en 1905, Assane se grime pour subtiliser des biens de valeur avec style, charme et maestria. Pour lui redonner du mordant, on aurait difficilement pu imaginer mieux qu’Omar Sy. L’acteur prête son charisme à un voleur davantage Robin des Bois que braqueur de banques.

1. Gentleman acteur

L’acteur est le plus beau larcin réalisé par la série, celui qui justifie qu’on s’attarde jusqu’au bout sur les cinq épisodes disponibles sur Neftlix. Il capture la pellicule comme peu de Français de sa génération savent le faire, s’imposant dans un Paris de carte postale comme un monument d’humanité. Avec sa carrure athlétique et son sourire juvénile, il va jusqu’à voler la vedette aux superbes décors filmés de nuit dans la capitale, y compris à la Tour Eiffel et à la pyramide du Louvre, les deux chouchous des Instragrammeurs. Car la bonne idée de ce Lupin est de révéler une image sensible, tendre et sociale de ce cambrioleur. Si ce père imparfait à la vie amoureuse compliquée vole un collier précieux, c’est d’abord pour venger son père, pas pour aller frimer avec des objets bling achetés grâce aux diamants. Orphelin de mère, Assane a été élevé par son père, Babacar (l’émouvant Fargass Assandé), chauffeur de maître pour le compte d’une riche famille. Adolescent, Assane un gamin solitaire qui trouve refuge dans le livre Arsène Lupin de Maurice Leblanc, offert par son père.

2. Rendez-vous manqué ?

 

Si on salue la prestation d’Omar Sy et son rôle touchant, ainsi que les apparitions des seconds rôles, Clotilde Hesme, Ludivine Sagnier et Nicole Garcia, il faut bien avouer que le reste du casting de Lupin est assez loupé. Les acteurs interprétant les rôles de flics livrent des performances dignes d’un téléfilm de TF1. C’est l’une des grandes faiblesses de la série, qui peine parfois à être crédible tant certaines tirades sonnent faux. Si la production a bénéficié d’un budget colossal, elle recèle de nombreux plans plus creux et cheap que chic. Le showrunner britannique George Kay (qui a travaillé sur les séries Criminal ainsi que sur l’excellente Killing Eve), signe un récit aux rebondissements parfois prévisibles et risibles. Comme cette scène ou Omar Sy intimide, dans un sous-sol, un flic qui a causé du tort à son père. On est alors plus proche d’un Besson récent que du blockbuster de qualité. Si les premiers épisodes de Lupin exploitent le terreau social, on tombe ensuite dans le divertissement très léger, et la série rate ce qui aurait pu magnifier son propos : jouer sur la portée symbolique du masque et du déguisement dont use Assane pour remettre en cause les travers de la société bourgeoise et de la société tout cours. Les images sont somptueuses mais que reste-t-il au final de ce visionnage ? On préféra presque la morale du spot de pub tourné récemment par Omar Sy pour Netflix. Dans le métro parisien, l’acteur colle une affiche de la série sans que personne ne le reconnaisse. Une jolie façon de signifier que certains métiers ne sont assez valorisés et que souvent, on voit, davantage qu’on ne regarde. Hélas, on a parfois l’impression de voir Lupin, sans regarder.

 

 

Lupin de George Kay, première partie disponible sur Netflix.