Festival d’Hyères 2019 : 3 designers d’accessoires à retenir
La 34e édition du Festival international de mode et de photographie d’Hyères aura lieu du 25 au 29 avril 2019 à la Villa Noailles. Portrait de 3 finalistes en lice pour le prix Accessoires.
Par Laura Catz.
Depuis deux ans, Noelia Morales vit avec un seul sein. L’Espagnole a subie une masectomie à la suite d’un cancer. Refusant de retourner au bloc opératoire pour faire semblant de vivre avec deux seins, elle a décidé d’accepter sa condition. “Lorsque j’ai voulu retrouver une sexualité normale, je ne trouvais aucun modèle de lingerie décent. Tout ce qui était sur le marché était moche et destiné à cacher. Je ne voulais surtout pas me retrouver à acheter ce genre de lingerie médicale à 40 ans !” explique-t-elle. Ni une ni deux, Noelia découpe son soutien-gorge en deux, le plaçant de manière à recouvrir sa cicatrice, à la manière d’un cache-œil. La différence comme force. “Si quelqu’un te voit porter un cache-œil, il sait que quelque chose ne va pas et en même temps tu intrigues, on t’imagine rebelle, subversive voire provocante. Pourquoi cela ne serait-il pas le cas pour les seins ?”
Au lieu de la dissimuler, ses créations révèlent cette absence, l’érotisent. À Hyères, elle a présenté un modèle intégralement incrusté de cristaux Swarovski. Aujourd’hui, Noelia vend dans le monde entier, y compris à des hommes qui s’en procurent pour leur femme “et ça, c’est merveilleux”, s’enthousiasme-t-elle. Pour sa future collection, elle s’intéresse aux matériaux “intelligents”, comme ces tissus contenant des microcapsules d’aloe vera.
Après avoir respectivement grandi en Inde et en Thaïlande, Raiheth Rawla et Wei Hung Chen se rencontrent à la Parsons School Of Design de New York, où ils étudient le design textile. Guidés par le désir commun d’envisager les objets du quotidien sous un nouveau jour, les deux amis lancent Khaore, en septembre 2017. Parmi les sacs en cuir qui composent “Roadside”, leur première collection inspirée de la rue trône une seule pièce en toile de jute, comme une introduction à leur prochaine collection. La toile de jute, ils en font leur matériau de prédilection : “Largement utilisée pour produire des tote bags en Inde et en Chine, la toile de jute est complètement biodégradable et naturelle. De plus, il est le deuxième matériau le plus utilisé pour produire dans le monde, il offre tant de possiblités… Nous voulions l’anoblir.”
Conjuguant esthétique et développement durable, leur collection capsule “Bais” a conquis les étals du très convoité Opening Ceremony de New York avant le jury de la Villa Noailles. Les toiles qui la composent sont fabriquées avec de la fibre végétale provenant d’un moulin vieux de 100 ans à Calcutta, avec lequel la famille de Raiheth Rawla travaille depuis plus 20 ans. Le design sculptural de leurs sacs, considérés comme de vrais objets d'art, est imaginé à New York. Ils sont ensuite confectionnés par des artisans en Inde et en Italie. Leur mantra ? “Work well on and off the body”.
S'ils sont tous les deux originaires de Romans-sur-Isère (Drôme), berceau des tanneurs et des façonniers du cuir, Dorian Cayol et Quentin Barralon ne se connaissaient pas avant de travailler ensemble. Ayant pour parents des artisans et des agriculteurs, ils sont habiles de leur mains depuis leur plus jeune âge. Aujourd'hui, c'est le cuir qu'ils manient à la perfection, après avoir fait leurs armes chez Robert Clergerie, célèbre fabricant de chaussures. Étudiant aux Arts-Déco en design textile, Dorian s'est rapidement redirigé vers le cuir : “Je n'étais pas à l'aise avec le tissu, j’avais besoin d’une matière plus résistante pour pouvoir faire plus de choses. Cela me permet de créer des objets qui se tiennent en eux-mêmes plutôt que sur le corps.”
Partisans d’une esthétique discrète, ils sélectionnent les meilleures matières auprès de fournisseurs locaux et emploient des techniques traditionnelles pour proposer porte-monnaie, portefeuilles et sacs en cuir d’excellente facture au design sobre et épuré au sein de leur propre label, au nom tout désigné : Mains d'Œuvre. Pour Hyères, Dorian et Quentin ont mis de côté la maroquinerie pour concevoir une paire de sneakers, utilisant la technique du moulage. “Mains d'Œuvre propose une ligne simple et accessible, mais c'est le fruit de compromis. Si on se lâchait vraiment et qu'on passait un mois sur le design d'un modèle, celui-ci serait hors de prix et invendable ! confie Quentin, avec un sourire non feint. Hyères, pour nous, c'était justement l'opportunité de s'affranchir de cette contrainte économique pour aller jusqu'au bout de nos idées.”