Arturo Obegero raconte sa nouvelle collection et ses collaborations avec Beyoncé et Adele
Pour son retour à la Fashion Week de Paris, Arturo Obegero présente une dixième collection couture théâtrale et dramatique inspirée par son Espagne natale. À cette occasion, Numéro a interviewé le créateur de mode espagnol sur ses nouvelles silhouettes ainsi que ses collaborations avec Beyoncé et Adele.
Propos recueillis par Léa Zetlaoui.
Une collection Arturo Obegero printemps-été 2025 dramatique et théâtrale
C’est à quelques jours de la Fashion Week homme à Paris, que nous rencontrons Arturo Obegero pour une interview. Ce vendredi après-midi, alors que nous sommes attablés à la terrasse de la Fondation Alaïa dans le Marais, le créateur de mode espagnol, armé de son iPad, nous dévoile en exclusivité sa collection printemps-été 2025.
Absent du calendrier la saison dernière, Arturo Obegero en a profiter pour multiplier les projets créatifs. D’abord des robes sur-mesure pour Beyoncé et Adèle, mais aussi une seconde collaboration avec Pigmentarium, la marque de parfumerie de niche originaire de Prague.
Conçue comme un florilège de ses meilleures créations, sa dixième collection – dévoilée ce jeudi 20 juin 2024 au Silencio-des-Prés –, condense tout ce qui fait la puissance de son esthétisme. Une trentaine de looks couture qui distillent des références à la culture espagnole, comme le flamenco et le couturier Cristobal Balenciaga.
Derrière une personnalité enjouée, Arturo Obegero dissimule une vision théâtrale et dramatique de la mode. Une dualité qu’il injecte à ses silhouettes – dont certaines révèlent de sublimes trompe-l’œil – composées de rideaux de théâtre en velours écarlate, de dentelles conçues sur-mesure avec Sophie Hallet et de tissus issus de deadstocks.
Interview du créateur de mode Arturo Obegero
Numéro : Quel était le thème de votre collection printemps-été 2025?
Arturo Obegero : La collection s’appelle El Amor Brujo, ce qui en français se traduit par L’Amour sorcier. Elle est inspirée par une pièce de théâtre classique [écrite par Gregorio Martínez Sierra, ndlr.] qui, dans l’Espagne des années 20, était révolutionnaire. Ensuite, Carlos Saura en a fait une version adaptée au cinéma. Il est décédé en 2023 et je souhaitais lui rendre hommage car il est l’un de mes réalisateurs préférés et a été l’une de mes plus grandes sources d’inspiration.
En quoi vous a-t-il inspiré?
Dans ces films, Carlos Saura a à chaque fois abordé la culture espagnole comme le flamenco et la tauromachie avec une esthétique très minimale, très épurée et puissante.
Il s’agit également de la dixième collection que vous présentez.
Oui en effet, j’ai donc choisi les meilleurs looks des neufs précédentes ainsi que certaines pièces de ma collection de fin d’études [à la Central Saint Martins, London, ndlr.]
Comment avez-vous choisi ces pièces que vous souhaitiez retravailler?
Cela a été en réalité très facile car, à l’époque, quand j’ai conçu ces pièces, je savais déjà qu’elles étaient importantes pour moi. Et puis après avoir créé des robes pour Adele et Beyoncé, j’ai aussi décidé de me concentrer davantage sur la conception de tenues plus couture, destinées aux tapis rouges. Désormais je sais que mon objectif est de rejoindre une grande maison de couture.
Il y a donc une volonté de monter en gamme ?
En réalité, il s’agit plus d’habiller des célébrités. Selon moi c’est aujourd’hui la seule façon de réussir. Mais paradoxalement, je n’aime pas non plus le fait que la mode repose à ce point sur la culture mainstream. Je pense que le design et l’intention que tu mets dans une création sont plus importants. Mais il faut avoir conscience du fonctionnement de l’industrie. Et finalement, je suis heureux parce que les personnes avec qui je travaille sont des personnes que j’admire et que je voulais vraiment habiller.
Ses looks sur-mesure pour Beyoncé et Adele
Comment se sont déroulées vos collaborations avec Beyoncé et Adèle?
Au début, j’envoyais des mails et des messages privés à tous les stylistes avec des propositions de looks, mais personne ne m’a jamais répondu. Et alors que j’étais au concert de Beyoncé, j’ai posté une story en mentionnant toutes les personnes de son équipe. Finalement son assistante personnelle m’a contactée pour lui faire des propositions.
Les stylistes des célébrités doivent recevoir des centaines de messages de jeunes créateurs de mode. Mais d’un autre côté, porté un look signé par un designer émergent leur assure d’avoir un look unique et de se différencier des autres.
Oui en effet! Une semaine après avoir habillé Beyoncé, j’ai envoyer un message sur Instagram à la styliste d’Adèle et elle était tout de suite très intéressée. J’adore Adele car sa musique est aussi théâtrale que dramatique et ce look très Morticia Addams était parfait pour elle.
C’est vrai que vos collections dégagent une aura très sombre et dramatique.
C’est tout à fait vrai, cela vient de mes origines espagnoles. Car si l’Espagne est synonyme de joie et d’allégresse, on retrouve aussi une obsession pour la mort et le gothique mais avec une touche romantique. C’est cette dualité entre ombre et lumière que l’on retrouve dans le flamenco et que je porte aussi en moi. Je suis quelqu’un de très enjoué mais j’ai aussi un côté emo-goth.
Son processus créatif, ses dessins et la vidéo de sa collection
Cette saison, pour la première fois, vous avez abandonné vos feuilles de croquis pour dessiner vos silhouettes directement sur des tablettes numériques…
J’ai rencontré les équipes d’Apple en septembre dernier. À cette occasion, je leur ai proposé de dessiner toute ma collection sur iPad mais aussi de réaliser un film de mode avec un iPhone 15. Ils ont adoré l’idée et pour être honnête, c’est la meilleure collection que j’ai faite de ma vie.
En quoi est-ce différent de dessiner vos looks sur un iPad plutôt qu’à la main?
Je n’avais jamais travaillé avec un iPad auparavant, je dessinais tout à la main. Mais avec un iPad, je peux dessiner partout, dans le métro, un café… Et surtout, je peux faire plusieurs variations d’une pièce sans avoir besoin de tout recommencer. Idem si je change d’avis sur un détail.
Un iPad vous offre donc beaucoup plus de possibilités créatives.
Oui complètement. Je peux faire des illustrations très rapides qui sont très accrocheuses, et cela m’a aidé à décider si oui ou non je garde un look pour la collection.
Qu’en sera-t-il de vos prochains dessins? Allez-vous continuer sur l’iPad ou à la main?
Je vais continuer d’utiliser l’iPad. Car c’est aussi beaucoup plus facile et rapide de représenter des ornements et des textures grâce aux pinceaux et aux filtres. Je peux dessiner des sequins sur tout un look en quelques minutes, alors qu’à la main, ça me prendrait des heures. Pareil pour représenter de la dentelle ou des tissus moiré.
Les photos de votre collection printemps-été 2025 ont été shootées à l’iPhone, tout comme le court-métrage qui l’accompagne. Qu’avez-vous pensé du résultat?
Pour être honnête, je ne m’attendais pas à ce que le rendu soit à ce point cinématographique. Aujourd’hui, c’est impossible de créer un vêtement qui soit vraiment nouveau. Tout a déjà été fait. C’est donc essentiel de mettre en scène ses collections pour justement apporter de la nouveauté.