MorMor, virtuose de la pop : “Je suis inspiré quand je me sens vulnérable”
Le jeune virtuose canadien de l'indie pop, MorMor, poursuit son ascension avec “Some Place Else”, un deuxième EP de six titres. Sa musique, toujours aussi extatique, a mûri. Numéro l'a rencontré au cours de sa grande tournée de festivals à travers le monde.
Par Antoine Ruiz.
L’an dernier, Numéro rencontrait le jeune prodige torontois MorMor au lendemain de la sortie de son premier EP (Heaven’s Only Wishful), encore timide et incertain de sa place dans l’industrie de la musique. Aujourd’hui, Seth Nyquist, de son vrai nom, a grandi et pris de l’assurance. Du haut de ses 27 ans, le multi-instrumentiste indépendant défie les lois de la pop en piochant dans une myriade de genres, aux antipodes les uns des autres, pour développer sa signature. En mars dernier, il apparaissait en clown triste dans Outside, son premier titre de l'année, dont le clip avait été réalisé par Duncan Loudon, collaborateur de Mount Kimbie. Peu de temps après, il livre Some Place Else, un nouvel opus qui s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, plus direct et plus mature – plus MorMor.
Numéro : Un brin crooner sur les bords, vous semblez maîtriser l’art de conter autant que celui de chanter. Quelle histoire narre votre nouvel EP Some Place Else ?
MorMor : Avec Some Place Else, j’exprime un désir de quelque chose de plus… ou de moins… Ou tout simplement, quelque chose de complètement différent. Dans Heaven’s Only Wishful, je cherchais un idéal. Là, je cherche plutôt à m’échapper de la réalité, de l’instant dans lequel je vis. Un désir d'être ailleurs, de nouveauté, d’inconnu.
Qu’est-ce qui a changé depuis Heaven’s Only Wishful ?
Pour faire simple, ma vie a beaucoup changé. Depuis Heaven’s Only Wishful, j’ai mis les pieds dans une toute autre réalité. Aux yeux du monde, je ne suis plus seulement Seth Nyquist. Ce qui change pas mal de choses. Et puis la vitesse à laquelle le temps passe m’a poussé à confronter mes propres problèmes, que je reniais et remettais à plus tard. Mais tout ça reste positif. Sinon, le reste demeure inchangé. Je continue de produire tout par moi-même. J’écris toutes mes chansons à 90%. Je joue aussi encore beaucoup. Il n’y a pas eu de changement dans le processus de création en lui-même. Je garde la même équipe. On crée des éléments, des sortes prototypes ou d’extraits, et on développe à partir de ça si ça sonne bien.
Dans “Outside”, vous parlez d’un sentiment de solitude et d’isolement… que l’on ressent beaucoup effectivement à travers vos paroles et l’instrumental. Le spleen vous inspire ?
On passe tous par ces phases, artiste ou non. Pour ma part, je garde beaucoup d'émotions et de ressentis en moi. Et toute personne lambda, j’ai besoin de les exprimer pour les évacuer. Moi je matérialise tout ça à travers la musique. J’y vide mon sac. Il est vrai que je suis inspiré pendant ces moments là. Je cogite beaucoup, ce qui me donne envie de créer. On se sent toujours plus inspiré quand on est vulnérable.
Toujours aussi extatique et raffiné, ce nouveau projet semble pourtant plus mature, plus direct. Est-ce une prise de confiance due à une notoriété grandissante ?
Je suis en constante évolution. Et cette évolution se fait au rythme de ce que j’entreprends en termes de musique. Connaître un certain succès et être reconnu pour ce que l’on ose créer et partager en tant qu’art, ça vous fait prendre de l’assurance forcément. Avoir des fans, des gens qui vous admirent lors de vos performances, ça fait chaud au cœur, c’est vraiment rassurant. Je suis ainsi plus direct et plus confiant dans ce que j’effectue.
Au bout de deux EP, comment définiriez-vous votre signature, la patte créative de MorMor, avec vos propres mots ?
Disons que tout ce que je fais provient d’un fond honnête le plus pur. C’est ce que je ressens véritablement au moment où je produis et écrit. Cette bulle créative dans laquelle je m’enferme s’adapte en fonction de mon environnement, aussi physique que psychique. C’est pour ça que je ne préfère pas rentrer dans un moule. En fait, j’essaye de tirer profit de chaque opportunité qui se présente à moi. Je ne suis pas toujours dans ma zone de confort, mais au moins, le rendu découle de ma propre perspective sur l’instant présent. Ce qui donne une musique finalement assez vulnérable et sincère.
Avez-vous peur de la page blanche ?
Pas vraiment. Mon esprit est en perpétuelle émulsion créative. Je n’ai pas la pression de quelconque label vu que je gère tout par moi-même. C’est plus simple de cette manière et je ne compte pas changer ce rythme.
On vous avait interviewé à la sortie de votre opus de 2018, vous vous apprêtiez à présenter votre œuvre en live. Comment était-ce ?
Au risque de ne pas vous surprendre, c'était génial. Évidemment ! Ça donne une toute autre dimension à ma musique. Elle prend vie. Et c'était également la première fois que j'étais en contact avec mes fans. Ceux sont eux qui vous apportent le plus soutien, après votre entourage. C’est important de vivre et partager des moments spéciaux avec eux.
Plusieurs festivals vous attendent cet été, pour lequel êtes-vous le plus excité ?
Demain je m’envole pour Copenhague, au festival Søpavillonen. J’ai très hâte puisque de la famille y sera. Sinon, globalement, je suis toujours excité à l’idée de jouer. Surtout à des endroits où je ne suis jamais allé. Voir des gens danser et chanter sur vos chansons, c’est presque irréel.
Vous avez dû rencontrer pas mal d’artistes depuis… Avec qui seriez-vous prêt à collaborer à l’avenir si vous en aviez l’occasion ?
C’est une question assez difficile. Car il y en a beaucoup. Mais si je devais vous dire un nom là maintenant, je dirais les Daft Punk. Je les admire beaucoup et je pense que l’on pourrait accomplir de belles choses.
L’album est-il la prochaine étape dans votre carrière ?
Je l’espère. Je travaille tout le temps, plusieurs chansons sont déjà en chemin. Un album demandera forcément plus de travail, mais c’est un objectif que je souhaite atteindre par la suite.