Green Montana suivra-t-il les pas de son mentor Booba?
Le rappeur belge Green Montana, connu pour être signé sur le label 92i de Booba, sort le 15 avril son deuxième album, Nostalgia, qui est composé de dix-huit titres toujours plus courts les uns que les autres. L’artiste de 28 ans sait se distinguer de ses camarades grâce à la spontanéité de ses textes et à son débit atonique. Portrait.
Par Marie Solvignon.
Depuis qu’il est signé sur le label de Booba en avril 2019, le rappeur belge Green Montana ne cesse de se faire remarquer… sans réellement le vouloir. Son identité musicale le distingue complètement des autres rappeurs francophones. L’artiste offre un panel de morceaux relativement courts, de moins de trois voire de deux minutes. « Ma façon à moi de consommer de la musique c’est d’écouter beaucoup de formats courts : refrain, couplet, refrain et je le relance. Je préfère que l’on écoute un son plusieurs fois qu’une seule fois. Surtout que je ne suis pas le rappeur le plus compréhensible, donc il faut prendre le temps d’écouter plusieurs fois mes morceaux pour bien les comprendre. »
Green Montana a également un débit de parole plutôt particulier. Connu pour ne pas articuler comme la plupart des gens et pour chuchoter voire mâchouiller ses mots, le rappeur doit cela à sa personnalité introvertie. « Je ne suis pas un grand adepte de la lumière. J’aime être seul, dans mon monde et dans ma bulle », confie-t-il. C’est pourquoi l’artiste compose ses titres à sa manière, en studio, entre vapeurs d’alcool et de cannabis, accompagné de quelques personnes qui ont seulement le droit de parler de musique pour le plonger dans la bonne atmosphère. Le rappeur n’écrit jamais, du moins il n’écrit plus. Il compose toutes ses musiques sur le vif. Les paroles lui viennent lorsqu’il est devant le micro en écoutant une prod qu’il a sélectionnée en amont. « Quand je suis défoncé, je lâche prise et je sens que j’ai les capacités de faire quelque chose de bien. J’ai l’impression que si je ne fume pas je n’arriverai pas à trouver un texte. J’ai besoin de quitter la réalité pour être à l’aise. J’ai déjà fait des sessions où je suis allé trop loin et ça ne s’était pas bien passé : il faut un juste milieu. », révèle-t-il.
Inspiré par des artistes comme Drake, Lil Wayne et Young Thug, Green Montana se lance, à son tour, dans le rap, en 2017. L’artiste souhaite tester sa voix sur des prods en abordant les thématiques qui rythment sa vie : les stupéfiants, le luxe, l’envie d’argent et les femmes. Sans jamais s’éloigner de ces sujets de prédilection, Green Montana sort un premier album Alaska en 2020 sur le label 92i de Booba. Il publie d’ailleurs à la fin de cette même année un featuring avec le Duc de Boulogne lui-même : Tout Gâcher, certifié disque d’or un an après. « Recevoir ta musique avec un couplet de B2O c’est fou. Rien que le fait de signer chez 92i c’est déjà incroyable et qu’en plus il partage du texte sur un de mes sons, c’est dingue. C’était un rêve. » Après avoir travaillé dessus durant deux années, le rappeur belge présente son second album Nostalgia ce 15 avril, dans lequel il collabore avec SDM et Guy2Bezbar. Au total dix-huit titres occupent le nouvel opus. Dix-huit morceaux relativement courts dans lesquels l’artiste pose sa voix de façon calme et sereine comme à son habitude. « Sortir un album, c’est partir à la guerre. C’est comme les élections, tu dois présenter ton projet avant qu’il sorte, faire de la promo, peaufiner ton album. Car c’est plus sérieux, les gens en attendent plus. C’est comme mener une campagne pour ton projet. C’est énormément de pression, beaucoup de rebondissements, de doutes, de remise en question et de discussions. »
Le court morceau d’une minute et quarante trois secondes Parfum, qu’il a travaillé avec le beatmaker Flem (Freeze Corleone), ne devait pas voir le jour. « J’ai pas d’cœur pour ces tapins, j’veux tout c’cash chaque matin. J’suis défoncé sous les Cartier. » Ce titre mêlant argent, drogue et luxe, Green Montana n’en était pas satisfait. Pourtant, il a écouté son équipe et a finalement décidé de lui laisser une place sur l’album Nostalgia. Et il a bien fait. Parfum est même accompagné d’un clip sous-titré où l’artiste habillé de Dior et de Gucci apparait en train de fumer et boire seul et/ou accompagné de ses potes assis sur un canapé extrêmement vintage. « Je ne vais jamais crier dans un son, c’est mon débit habituel car je n’articule pas. Mais cette manière de faire est dangereuse car mes sons sont courts et on ne comprend pas toujours tout. Donc je sous-titre pour faciliter l’écoute de l’auditeur et pour ne pas à avoir à articuler plus car ce n’est pas ma manière de poser. Chaque personne à une écoute différente. Ce qui prime pour moi c’est vraiment l’émotion que procure la musique. »
Si le grand introverti qu’est Green Montana pouvait tout faire dans l’ombre, il le ferait. Peu à l’aise face au public et à la lumière des projecteurs, l’artiste dépasse ses appréhensions et surmonte ses peurs lorsqu’il monte sur scène. « Il y avait des choses comme les concerts et les interviews que je ne pensais jamais faire et au final j’en suis fier. C’est toujours bizarre pour moi de monter sur scène. Je ne me sens pas forcément à ma place. Des fois je me demande ce que je fais là. Je sais pourquoi je suis là mais j’ai toujours ce syndrome de l’imposteur. Je ne suis jamais allé voir de concerts donc je ne connaissais pas réellement ce milieu. C’est pour ça que par moment être le spot que tout le monde regarde ne me met pas à l’aise. Je pense avoir un cap à passer, un jour je pourrai tout affronter et absorber mais là je suis encore dans l’entre deux. » Sa timidité offre à l’artiste une véritable identité musicale. Contrairement à d’autres rappeurs, Green Montana ne cherche pas à briller, s’il pouvait fuir les feux des projecteurs, il le ferait. Néanmoins il avoue « tout faire pour attirer l’attention sur [sa] musique et [son] personnage mais pas sur moi, pas sur le véritable moi. » L’homme dont on ne connait pas le prénom et qui se cache derrière cet alias reflète un important nouvel aspect du rap francophone : être rappeur et introverti, c’est possible.
Nostalgia (2022) de Green Montana, disponible le 15 avril.