Mata Hari, espionne sulfureuse aux mille visages
À l’occasion de la journée des droits des femmes, ce dimanche 8 mars, Arte diffuse “Mata Hari, la sulfureuse”, un reportage sur Mata Hari. Mystérieuse, insaisissable et légendaire, sa vie a fait l’objet de mille et une spéculations. Retour sur les aventures d’une espionne aux multiples visages.
Par Lolita Mang.
1. “Le sexe et la mort, voilà ce qu’elle représente !”
Paris, fin du XIXe siècle. Au coeur de la Belle Époque, un vent de fraîcheur souffle sur la ville, dont les salons et les cafés grouillent de vie. Au Café de la Paix, pôle d’attraction de toute la société parisienne, Mata Hari fait tourner les têtes comme les coeurs. Entre mystère et fantasme, la danseuse aux origines troubles est dans tous les journaux d’Europe : l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont à ses pieds.
Son succès, Mata Hari le doit à la vague orientaliste qui règne sur toutes les formes d’arts, de l’architecture à la musique, en passant par peinture et la littérature. Jouant sur des origines troubles, la danseuse éclipse la concurrence et devient la personnalité la plus en vogue de l’époque.
Si le monde se rappelle de Mata Hari comme de l’une des plus célèbres espionnes du monde, elle en a véritablement été la plus mauvaise.
Pourtant, la première vie de Margaretha Zelle – son vrai nom – n’a rien d’exotique. Fille d’un commerçant, elle connaît une enfance dorée, choyée par mille cadeaux. Une série de tragédies y met rapidement fin, de la mort de sa mère à la faillite de son père. Mariée à 18 ans, elle rejoint les Indes orientales néerlandaises – l’actuelle Indonésie – avec son époux, jaloux, infidèle et violent. Elle y apprend le théâtre et la danse, jusqu’à la mort de son fils en 1899, qui marque son retour sur le continent européen et la fin de sa vie de couple.
Expatriée à Paris, elle se crée non seulement un nouveau patronyme, mais aussi une toute nouvelle identité, qu’elle s’amuse à modifier à chaque nouvelle rencontre. Elle devient à la même époque la maîtresse de plusieurs hommes haut placés, des industriels aux ministres, en passant par les princes. Toutefois, son existence mondaine et cosmopolite est vite mise à mal par la déclaration de guerre, qui surgit en 1914. La France et l’Allemagne deviennent des Nations ennemies et Mata Hari, coincée entre les deux, devient vite persona non grata. Engagée en 1916 par le capitaine George Ledoux en tant qu’espionne au compte de la France, Mata Hari ne se méfie de rien. Pourtant, les intentions de l’homme sont troubles : suspecte-t-il déjà la femme de travailler pour les Allemands ? L’hypothèse est probable : la courtisane a fréquente pléthore d’hommes d’État d’outre-Rhin. Arrêtée en février 1917, elle n’avouera rien pendant plusieurs mois, avant de craquer et de confesser la divulgation d’informations importantes. Si le monde se rappelle de Mata Hari comme de l’une des plus célèbres espionnes du monde, elle en a véritablement été la plus mauvaise…
2. Un documentaire fourmillant de détails
Sorti en 2017 et diffusé ce dimanche 8 mars sur la chaîne Arte, Mata Hari, la sulfureuse, apporte un regard neuf sur l’histoire maudite de la danseuse. Nourri par les témoignages d’écrivains, essayistes et historiens, il met en lumière les parts les plus sombres de l’existence de l’espionne. Malgré une musique omniprésente et dramatique à souhait, le film foisonne d’informations à la fois pertinentes et peu connues du grand public. La lutte entre le vrai, le vraisemblable et le faux y est plus que jamais décortiquée.
“C’était la Madonna de l’époque”
Le portrait de Mata Hari, en femme audacieuse et libre, est un très bel hommage rendu, à quelques jours de la journée mondiale pour le droits des femmes. À la Belle Époque, devenir courtisane est l’une des seules portes d’entrée vers la liberté pour la gente féminine : “C’était la Madonna de l’époque” s’extasie l’une des écrivaines interrogées dans le documentaire de Jobst Knigge et Kristina Forba. En outre, le passé de femme battue et violée par un mari jaloux – elle conte dans une lettre qu’il a manqué de la poignarder – fait tristement écho à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui marquent les différents mouvements féministes de ces dernières années – en témoignent les nombreux affichages sauvages dans les rues de Paris.
La culpabilité de Mata Hari peut être mise en cause à l’infini : c’est là où repose toute la fascination pour son histoire. Véritable héroïne du XXe siècle, sa fin tragique l'a fait entrer dans la légende.