La Biennale d’art de Québec dévoile son nouveau pavillon
Nouvel écrin accueillant la Biennale d’art de Québec, le pavillon signé par l’agence OMA forme un fabuleux pont transparent entre la ville et la nature environnante.
Par Thibaut Wychowanok.
La Biennale d’art contemporain de Québec s’annonçait, fin février, sous les meilleurs auspices. Avec, à sa tête, une commissaire française reconnue, Alexia Fabre, et des artistes invités prestigieux (de Christian Boltanski à Carlos Amorales), l’événement était alléchant… et a plutôt tenu ses promesses. Mais, plus que des œuvres présentées, la véritable surprise est venue du bâtiment qui l’accueillait : le nouveau pavillon du musée national des Beaux-Arts, inauguré en 2016. Une réussite architecturale totale qui répond avec intelligence aux enjeux actuels de tout musée : comment s’inscrire dans la ville et attirer un plus large public ? Comment concilier geste architectural fort et espace adapté aux œuvres présentées ? La réponse qu’offre ce nouveau pavillon Pierre Lassonde, du nom d’un homme d’affaires et philanthrope québecois, s’impose comme une évidence, efficace et majestueuse (sans jamais être grandiloquente). Mais il n’y a rien de surprenant à cela, puisqu’on le doit à la branche new-yorkaise de l’agence OMA, fondée par le célèbre architecte et théoricien radical Rem Koolhaas
Ouvert sur l’une des rues principales de Québec, la Grande Allée, le nouveau bâtiment coule naturellement jusqu’au vaste parc qui le borde et où sont établis les trois autres pavillons historiques du musée. Le nouvel espace évoque ainsi une passerelle de verre, impressionnante, reliant la ville à la nature environnante. “L’enjeu de ce nouveau lieu dédié à l’art contemporain n’était pas seulement de doubler la surface du musée, explique Line Ouellet, la directrice de l’institution, nous voulions lui offrir une entrée sur la ville, et donc sur notre public, alors que jusqu’ici nos bâtiments se trouvaient au milieu du parc, en retrait.” Côté ville, justement, la nouvelle construction se dresse comme un écrin de verre cubique, totalement transparent, donnant l’impression aux visiteurs circulant dans le musée d’être encore dans la rue, et à la rue d’être déjà dans le musée. Avec ses 12,5 mètres de hauteur sous plafond, ce hall magistral de 831 mètres carrés forme une interface idéale entre l’institution et le public. “Notre message aux visiteurs est clair, inscrit dans l’architecture même, poursuit la directrice. Ce musée est un espace public, comme la rue, il vous appartient.”
Animée par cette idée de relier le musée et le public, la ville et la nature, l’agence OMA de New York a donné la forme très littérale d’un pont-levis à l’ensemble. “L’idée que la ville pénètre littéralement le musée nous a enthousiasmés, se souvient Line Ouellet. Tout comme l’idée d’OMA de prolonger le parc dans le musée en proposant de créer des terrasses végétales sur les toits de chaque niveau.” Ce jeu avec l’environnement tient parfois du miracle architectural, comme, par exemple, lorsque la structure en verre du musée semble traverser, telle une lame, la façade de l’église adjacente pour l’incorporer dans le nouveau pavillon. Pour relier les trois niveaux en porte-à-faux qui forment ce “pont-levis” de verre et d’acier, OMA New York a choisi d’installer un gigantesque escalier aux courbes folles, digne de Zaha Hadid, et un immense cube central – qu’on croirait peint à la feuille d’or – pour accueillir l’ascenseur.
Alors qu’il n’y a rien de pire, dans un musée, que de perdre la notion du temps et de l’espace, enfermé dans une succession de white cubes, le pavillon Pierre Lassonde réussit habillement à transformer l’expérience du lieu en une véritable balade où le visiteur est en contact (presque) permanent avec la lumière du jour. “En contact avec le monde et le temps qui passe”, souligne Line Ouellet.
Cette ouverture sur le monde s’incarnait pleinement dans la Biennale dont le commissariat était confié, cette année, à la directrice du musée d’Art contemporain du Val-de-Marne, Alexia Fabre, qui avait ainsi réuni 17 artistes internationaux ou canadiens autour du thème “L’art de la joie”. Une sorte de blague québécoise sans doute : l’ensemble des œuvres traitant plutôt du deuil, de la disparition et de la résilience avec des pièces exceptionnelles de Christian Boltanski, d’Annette Messager ou de Clément Cogitore. “Mais la joie, c’est aussi de pouvoir parler de la mort pour mieux la dépasser, explique la commissaire. L’art de la joie, c’est la célébration de la puissance de l’art.”
Côté artistes locaux, on retiendra le groupe BGL, déjà aperçu à la Biennale de Venise en 2015, avec sa reconstitution d’un atelier d’artiste dans lequel des centaines de pots de peinture auraient explosé. “Une ode à la création totalement dionysiaque où la peinture et le pinceau deviennent les armes du créateur”, selon Alexia Fabre. Autre excellente pièce, celle du Canadien Mathieu Valade, qui fait dérouler, façon générique de Star Wars (et avec la musique pompière du film), sur différents écrans en simultané, les plus grands manifestes artistiques de l’époque moderne. Une manière très ironique de s’amuser de leur prétention à la vérité et de rappeler que, si l’art est pris très au sérieux à Québec, rien n’interdit non plus de s’en moquer un peu.
Musée national des Beaux-Arts du Québec, www.mnbaq.org