Jake Gyllenhaal, du cow-boy gay au méchant de Spider-Man
Un adolescent visionnaire dans le film culte Donnie Darko, un cow-boy homosexuel dans Le Secret de Brokeback Mountain, ou encore un “méchant” dans la saga Spider-Man… Au fil de ses choix de films, Jake Gyllenhaal s’est puissamment inscrit dans son époque en questionnant les différentes facettes du masculin. Avec son élégance intemporelle et son assurance tranquille, l’icône incarne, au cœur de Hollywood, la figure d’un acteur-né, héritier naturel des grandes stars de l’âge d’or. Une allure qui fait aussi de lui l’ambassadeur de la montre Santos de Cartier.
À égalité avec Leonardo DiCaprio – de six ans son aîné –, il a été le jeune premier le plus désirable de l’ère contemporaine à Hollywood, sur la foi d’une puissance d’apparition à la fois soudaine et durable, d’un style classique et moderne, d’un miracle de cinégénie – soit à peu près tout ce que nous sommes en droit d’attendre d’un grand acteur. Jake Gyllenhaal a même réussi à survivre sans défaillir à la pression, là où tant d’autres se sont noyés dans les diverses vapeurs angoissées. Il aura donc 40 ans l’année prochaine et porte sa maturité naissante comme un charme, lové sur le canapé crème d’une suite du Ritz. Il nous parle d’une voix limpide, les yeux collés aux nôtres, le buste engagé, sans cet air absent que les célébrités trop regardées ont parfois érigé comme une protection. Après quelques minutes, Jake Gyllenhaal nous laisse tout de même entendre que traverser l’existence dans la peau d’un symbole universel n’a pas été si simple. “J’ai connu une vague assez stupéfiante de succès très jeune. Quand Le Secret de Brokeback Mountain est sorti en 2005, le film dérangeait politiquement et socialement. C’était bien plus qu’un simple hit. Je me suis retrouvé au milieu de tout ça. J’avais 25 ans. On ne sait pas trop quoi faire de toute cette attention à cet âge-là.” Ce Californien pur jus né à Los Angeles y avait pourtant été préparé. Il a grandi dans une famille active au sein de l’industrie du rêve hollywoodien. Son père Stephen, luthérien d’origine suédoise, a réalisé une dizaine de longs-métrages (dont A Dangerous Woman en 1993, deuxième de Jake Gyllenhaal à l’écran), tandis que sa mère Naomi Foner a été nommée à l’Oscar du meilleur scénario pour avoir écrit À bout de course de Sidney Lumet en 1988.
Quand on lui demande ce qui l’a poussé à emprunter la voie familiale (mais, nuance majeure, de l’autre côté de la caméra), l’acteur utilise d’abord la métaphore amoureuse. “Je ne sais pas si je suis tombé amoureux un beau jour du cinéma, mais je suis tombé amoureux du fait d’observer des comportements, d’essayer de les imiter et tout ce qui découle de cela : ce sens de l’urgence que suppose une performance. J’aime aussi un tout autre aspect de mon métier, qui implique la préparation, la recherche, toutes ces choses que la profession vous apporte. Mais je ne crois pas qu’il y ait eu un moment où j’ai pensé que je voulais faire ça à tout jamais.” Car Jake Gyllenhaal n’est toujours pas certain de jouer toute sa vie. “Si vous me demandez à quel moment j’ai compris que je serais un acteur toute mon existence, eh bien je n’ai toujours pas compris ! Je crois que je m’accroche à la perspective d’un ailleurs. Et puis je vieillis plus vite que je ne l’aurais cru. Ne jamais sentir qu’on fera ce métier toute sa vie, cela fait peut-être partie de la personnalité d’un acteur. Tout est fugace, on ne sait jamais vraiment s’il y aura une suite. Ce dont j’ai réussi à me défaire récemment, c’est de la peur qu’il n’y ait pas une autre fois. Plus tôt dans ma carrière, j’étais inquiet, je me posais des questions. Maintenant je suis trop vieux pour ces conneries. Les choses arrivent, ou n’arrivent pas… C’est une profession où il faut avoir de la chance…”