Rencontre avec Pierre de Maere, l’étoile montante de la pop francophone qui s’inspire de Lady Gaga et Stromae
Son premier EP de pop dansante intitulé Un jour, je…, sorti en janvier, tout autant que son personnage, ont su séduire la scène française. À l’aurore de sa célébrité, le jeune auteur-compositeur-interprète belge Pierre de Maere, 21 ans, prépare déjà un premier album, prévu en octobre. Rencontre avec un jeune talent francophone qui s’inspire de Stromae et Lady Gaga.
Propos recueillis par Elliot Mawas.
Lors de notre interview dans un café parisien, l’auteur-compositeur-interprète belge Pierre de Maere a délaissé son emblématique costume croisé pour un style plus estival. Mais un tee-shirt et un short suffisent pour ceux qui, comme le jeune chanteur de 21 ans, dégagent un panache naturel. “Quand on a le physique d’un emploi, on en a l’âme” écrivait Maupassant. Coupe au bol, silhouette androgyne, regard bleu perçant… Son style est à l’image de sa personnalité : flamboyant. Sa voix rappelle même celle d’Yves Saint Laurent, à la fois douce et enveloppante. L’artiste s’exprime avec une sérénité et une lucidité qui surprennent pour son âge.
Pierre de Maere, nouvelle étoile de la chanson francophone
Le destin du Belge semble déjà tout tracé. Il le forge avec autant de passion que d’ambition. Autodidacte, il compose ses premiers morceaux sur le logiciel Garage Band dès l’âge de 9 ans avant de s’intéresser à la photographie de mode. C’est lors de ses études à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers qu’il publie son premier morceau en indépendant : Potins absurdes. Le succès est immédiat. Repéré par le label Cinq7 (Dominique A, Kalika, Jean-Louis Murat), il publie son premier EP dans la foulée : Un jour, je, en janvier 2022 qui le propulsera dans les médias au-delà de ses espoirs. Pierre de Maere enchaîne alors les plateaux télévisés et les interviews dans la presse.
Sur la pochette de son EP, comme une mise en abîme, il incarne un présentateur tenant entre les mains un disque à son effigie et un mug sur lequel il est écrit “ Make Me Famous”. Voilà qui annonce la couleur. De la pop francophone efficace qui rappelle celle de Stromae, une manière presque vintage de « rouler les R », des envolées vocales évoquant celles de Daniel Balavoine, et des paroles qui, comme des indices, laissent une liberté d’interprétation totale. C’est le cas de Regrets, qui, comme la nouvelle éponyme de Maupassant, incarne une histoire d’amour manquée, nostalgique et douloureuse ou dans Un jour je marierai un ange (dont la vidéo cumule 2 millions de vues sur YouTube), où le jeune chanteur sublime le désir et le fantasme. On l’entend chanter : “Aussitôt que le jour se lève / Je m’en vais faire un tour et je rêve / D’un amour n’existant pas / Qui pourtant m’attristera”. Car Pierre de Maere est un grand romantique… et un immense rêveur. Et c’est ce rêve qu’il construit, chanson après chanson, dans un premier EP coruscant. Alors qu’il prépare un premier album prévu en octobre, rencontre avec un artiste aussi talentueux qu’attachant.
Interview du chanteur belge Pierre de Maere
Numéro : Vous avez grandi à Walhain, en Belgique, un village que vous décrivez avec tendresse mais dans lequel vous ressentiez un sentiment d’ennui. Vous venez d’emménager à Paris. C’est un un sacré contraste…
Pierre de Maere : Oui je viens d’emménager il y a trois mois. Quand le premier EP est sorti, en janvier, j’habitais encore à Walhain et je devais constamment faire des allers-retours entre la Belgique et Paris pour la promo. C’était éreintant, mais ça m’a permis de m’habituer peu à peu à la vie parisienne. Aujourd’hui je pense avoir trouvé le bon équilibre. Paris, c’est là où tout se passe, les soirées, les rencontres, les opportunités … C’est aussi pour ça que je fais de la musique. C’est un grand jeu comme dans Bel-Ami de Maupassant, mais Walhain c’est le retour au calme, aux choses vraies.
Comment décririez-vous votre style musical ?
Enfant, j’ai baigné dans le mainstream. J’ai envie que ma musique soit chic tout en restant accessible. On pourrait dire que c’est de la pop francophone efficace avec un trait baroque de plus en plus marqué. Il y a aussi beaucoup de kitsch … J’entends par là le fait de franchir les limites de l’artistiquement correct, de s’évader de la tyrannie du bon goût en prenant des risques. C’est un mélange improbable et assumé des influences qui me plaisent (l’artiste cite Lady Gaga, Stromae, Michel Polnareff, Lil Nas X et les Rita Mitsouko en influences, ndr).
Votre premier EP Un jour, je, a connu un succès phénoménal. Vous y étiez préparé ?
Non pas du tout. Je faisais mes premières productions sur le logiciel Garage Band entre mes 9 et mes 14 ans. Je chantais alors en yaourt à l’époque… Un jour j’ai publié le morceau Potins absurdes en indépendant et Théo, le directeur artistique du label Cinq7 est tombé dessus par hasard. Je n’aurais signé ailleurs pour rien au monde car ce label laisse une véritable liberté créative aux artistes. En avril 2021, on a publié les titres Regrets puis Menteur et c’est là que tout a commencé…Je pense qu’on n’est jamais vraiment préparé à ce qui nous arrive, on ne peut qu’oser l’imaginer. Quand on a annoncé mon concert à la Cigale pour mai 2022, un mois avant, il manquait une heure de show. C’était un pari risqué. En un mois j’ai produit 4-5 morceaux entre le train, ma chambre d’hôtel parisienne, Walhain bien sûr, et la Bretagne où nous allons souvent en vacances avec mes parents … C’était un peu la folie.
“Prenez cette affiche, rendez-moi célèbre, revendez-la”. C’est ainsi que vous signiez les premières affiches de Potin Absurde. L’arrogance fit-elle partie de ton personnage ?
Le personnage que je présente peut paraître arrogant, égocentrique, ou en recherche désespérée de célébrité. Ce n’est pas totalement faux, mais quand tu creuses un peu tu découvres que je ne suis pas du tout comme ça. Pour faire en sorte que les gens écoutent ta musique, je pense que c’est important de montrer un personnage marquant. Lady Gaga n’est pas arrivée là où elle est en s’excusant de vivre. Ne nous excusons pas d’exister en tant qu’artiste.
“Aujourd’hui, même si je ne fais plus de photographie, l’image au même titre que la mode et que la musique, gardent une importance considérable dans mon projet.” Pierre de Maere
Votre EP, Un jour, Je, est une sorte de liste de ce que vous aimeriez réaliser dans les prochaines années. Que nous réserve l’album qui sortira en octobre ?
Je ne sais pas écrire de textes concrets, qui racontent une histoire. J’aime m’inspirer de bribes de ce que je vis, de ce que je fantasme… C’est toute la magie de l’interprétation. Dans mes textes, j’aime donner des indices, une thématique, mais je ne veux rien imposer. C’est à l’auditeur de se faire sa propre histoire. Dans ce nouvel album, les indices seront plus fortement tracés. J’ai plus de choses concrètes à dire, parce que j’ai vécu aussi plus concrètement. Je n’ai pas l’impression d’avoir réalisé pleinement ces projections du premier EP mais d’être sur le bon chemin. J’ai connu l’amour pour la première fois, commencé à faire mes premiers pas à Paris … Et ça se ressent dans ce nouvel album, non seulement dans les paroles mais aussi dans les mélodies, plus recherchées tout en restant accessibles. Ma voix sera aussi plus posée… J’ai gagné en maturité.
Découvrira-t-on un nouveau Pierre de Maere sur cet album ?
J’incarnerai trois personnages majeurs dans ce disque. D’abord, le romantique, le passionnel et celui qui cherche la gloire. Je dévoilais déjà certaines de ses facettes dans mon EP où j’évoquais les premières fois amoureuses. Quand tu te projette déjà alors que rien n’est acquis… . Quand au Pierre en quête d’attention, je me souviens avoir été à Cannes et y avoir chanté pour une soirée privée. Personne ne me regardait, comme si j’étais le bouffon du roi. C’est horrible comme sentiment. C’est aussi ce que raconte Lady Gaga (encore elle) dans l’une de ses interviews. À l’époque où elle chantait dans des bars, personne ne la voyait jusqu’à ce qu’elle se mette à nu. Inspiré de ces deux expériences, j’ai écrit un morceau qui dit : “Ce soir je fais des bêtises, je m’arrache à coup de tease / La foule adore ma triste comédie / Ce soir je streap et je tease”. Enfin il y aura une ode à la fantaisie, une invitation à penser le déraisonnable. C’est le cas du titre Mercredi à l’univers très Tim Burton qui invite à retourner dans la fantaisie de l’enfance : “Mercredi, je crois aux fantômes, aux fées, aux si / Et si j’ai de la chance je verrais des morts danser la nuit”.
“Ce que je vis en ce moment est si beau, c’est un rêve d’enfant qui se réalise, mais c’est aussi si intense que je rêve de prendre ma retraite à 28 ans.” Pierre de Maere
De vos 14 à vos 18 ans, vous avez fait vos premiers pas dans la photo de mode. Cette pratique influence-t-elle aujourd’hui votre image ?
J’ai découvert la photo par hasard, en utilisant un Reflex, à l’âge de 14 ans. J’ai adoré et j’ai commencé à photographier ma sœur et ses amies. Du coup, à 15 ans je voulais devenir plus pro et j’ai démarché l’agence Dominique Models pour laquelle j’ai shooté. C’est là que j’ai développé une passion pour la mode. Plus tard je me suis inscrit aux beaux-arts, en photo, à Anvers. Mais entre-temps, mon titre Potins absurdes était sorti et m’avait orienté dans une autre voie… Aujourd’hui, même si je n’en fais plus, l’image au même titre que la mode et que la musique, gardent une importance considérable dans mon projet. Je m’investis à 100% dans chacun de mes shootings, dans le stylisme, la photographie. Pour la pochette de l’album, je rêverai de travailler avec le photographe Marcin Kempski. Son univers, décalé et surréaliste pourrait sublimer l’ambiance de romantisme sombre que j’imagine.
Quel est votre rapport à la mode ?
J’ai mis beaucoup de temps à assumer mon physique longiligne… Un jour, je devais avoir 16 ans, je m’étais acheté un long manteau noir Hugo Boss. Et je me suis senti super puissant dedans. Depuis je suis tombé amoureux de la silhouette des costumes croisés façon années 70. Je les vois comme une cape, un costume de super-héros que j’enfile avant d’aller sur scène. D’ailleurs … impossible pour moi de chanter juste si je ne porte pas de costume. Margiela, Celine, Gucci et par-dessus tout Alexander McQueen par Sarah Burton m’inspirent beaucoup… Je suis né pour porter du McQueen.
Quels sont vos derniers coups de cœur musicaux ?
Récemment j’ai découvert Hubert Lenoir en concert. C’était dément ! Le dernier album de Lomepal est super bien écrit, et combine justement prose accessible et chic instrumental. Sinon, il y a les évidences : la variété française que je tiens de mes parents comme Goldman sans oublier l’iconique … Lady Gaga.
Quelle est la collaboration de vos rêves ?
Ce serait avec Yelle… C’est vraiment un OVNI dans le paysage francophone. Mais pour l’instant j’aime me dire que je me construis seul. C’est important pour moi…Après, je ne serai pas contre un refrain avec Lana del Rey…
Après ce nouvel album, prévu en octobre, quels sont vos rêves ?
Me poser cinq jours en bretagne avec des potes une fois l’album fini pour me reposer. C’est étonnant de se dire qu’à 21 ans on a besoin de repos. Ce que je vis en ce moment est si beau, c’est un rêve d’enfant qui se réalise, mais c’est aussi si intense que je rêve de prendre ma retraite à 28 ans.
Un jour, je (2022) de Pierre de Maere, disponible sur toutes les plateformes.