7 août 2024

Rencontre avec Beabadoobee, la rockeuse adulée par Harry Styles et Taylor Swift

Beabadoobee, musicienne et chanteuse philippino-britannique adulée par Harry Styles et Taylor Swift, sort un troisième album réussi qui mélange indie pop rêveuse et rock aux influences nineties : This Is How Tomorrow Moves, ce vendredi 9 août. Elle nous en confié les dessous, thérapeutiques, de sa musique, avant de dévoiler une prestation électrique au festival Rock en Seine.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

Beabadoobee par  Jules Moskovtchenko.

Beabadoobee par Jules Moskovtchenko.

Beabadoobee.

Beabadoobee par Jules Moskovtchenko.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

Beabadoobee.

L’édition 2022 du festival Rock en Seine, qui avait lieu au domaine national de Saint-Cloud, en banlieue parisienne, fut riche en controverses. La mise en place, pour la première fois de l’histoire de l’événement, d’un “Golden Pit”, zone VIP située devant la grande scène et réservée à ceux qui avaient payé plus cher leurs billets, a notamment été vivement critiquée sur les réseaux sociaux.

This Is How Tomorrow Moves, le nouvel album de Beabadoobee

Mais les polémiques ne doivent pas occulter la qualité d’une programmation haut de gamme. Au milieu des sets survoltés, émouvants ou épiques d’Arctic Monkeys, Tame Impala ou Nick Cave, des artistes moins connus enflammaient le domaine de Saint-Cloud.

C’était le cas de la compositrice-interprète philippino-britannique Béatrice Kristi Laus alias Beabadoobee, qui, accompagnée de son groupe, a livré un live de pop-rock-grunge indépendante remuant. Alors que la chanteuse de 24 ans sort un nouvel album, This Is How Tomorrow Moves, produit par le légendaire Rick Rubin (Red Hot Chili Peppers, Aerosmith, Beastie Boys), ce vendredi 9 août, portrait d’une artiste aussi douée qu’attachante.

Beabadoobee – Take a Bite (2024).

“Je me suis créé un monde enfant dans lequel je m’échappais. J’avais même fabriqué un poster que j’apportais en classe de ce monde, avec des dessins naïfs et des créatures mignonnes.” Beabadoobee

Quelques heures avant sa performance électrique à Rock en Seine, on retrouvait Béatrice Kristi Laus (de son vrai nom), née à Iloílo (dans les Philippines), vêtue d’un pantalon cargo et d’un haut découpé et lacé évoquant les années 2000, dans un coin calme du site arboré du festival.

La jeune fille, bien plus timide que sur scène, un contexte dans lequel elle déploie l’énergie d’une rock star, nous parlait avec passion de son second album, Beatopia. “Le titre du disque fait référence à un monde que je me suis créé enfant et dans lequel je m’échappais dès que possible. J’avais même fabriqué un poster que j’apportais en classe, avec des dessins naïfs, pour me rappeler ce monde imaginaire peuplé de créatures mignonnes.

Beabadoobee avait sept ans quand elle a imaginé ce monde fantastique rassurant. Mais elle y renonça, violemment, quand son professeur tomba sur son étrange poster, et qu’il se moqua, accompagné des camarades de classe de la petite fille, de cet enfant jugée bizarre. Depuis, le Beatopia devint un secret bien gardé pour l’artiste en herbe, qui avait peur qu’on dénigre sa différence.

Beabadoobee – Ever Seen (2024).

Une chanteuse adoubée par Taylor Swift et Harry Styles

Jusqu’à ce que l’égérie du label Heaven de Marc Jacobs décide, il y a quatre ans, de le faire renaître, en travaillant sur de nouvelles chansons. “Je sentais que c’était le bon moment, nous confie-t-elle, car j’ai beaucoup plus confiance en moi – notamment grâce à une thérapie que j’ai entreprise – aujourd’hui que pendant mon adolescence et qu’à mes débuts. Je commence enfin à accepter des sentiments que je rejetais jusqu’ici. Et je voulais que mon nouvel opus sonne comme un voyage nous embarque dans une foule de sentiments différents.

Et Beabadoobee a de quoi être fière. Depuis 2017, la compositrice a sorti une vingtaine de singles et d’EP pop-rock-grunge, très influencés par les années 90 et 2000, et tous plus accrocheurs que les autres et trois albums réussis. D’abord écrits et enregistrés dans sa chambre, au milieu de peluches, les morceaux de Beabadoobee (qui parlent d’amour contrarié et d’insécurité comme si elles sortaient tout droit d’un journal intime adolescent) ont rapidement trouvé leur public, certains devenant des hymnes pour la Gen Z.

Cumulant plusieurs milliards d’écoutes en streaming et suivie par plus de 3 millions de followers sur Instagram, l’Anglaise a fait pogoter le public exigeant de festivals prestigieux tels que Coachella et Glastonbury. Celle dont les morceaux rencontrent souvent le succès sur l’application TikTok compte même parmi ses fans la chanteuse Taylor Swift (elle a assuré la première partie du Eras Tour en Amérique du Nord) et l’ex-membre de One Direction Harry Styles

Beabadoobee – Glue Song (2023).

Wong Kar-wai, Aphex Twin et Björk en influences

Mais la musicienne, qui a commencé par jouer du violon avant d’apprendre, en autodidacte, grâce à des tutoriels YouTube, la guitare, continue à se réinventer, plutôt que de se reposer sur ses lauriers. Elle explique : “Sur Beatopia, je voulais sonner moins “années 90” que sur mes anciens morceaux. Je ne suis pas dans une démarche de revival, mais si j’aime que les gens qui écoutent ma musique ressentent de la nostalgie.

La musicienne dont le premier album se nomme Fake It Flowers (2020) ajoute : “Les problèmes dont je parle sont des problèmes d’aujourd’hui. Je suis une fille du 21e siècle. Sur ce disque, je me suis sentie plus libre. J’ai expérimenté. On y entend de la bossa nova, du jazz ou encore de la musique des Philippines. Et j’ose alterner une ballade avec un morceau plus rock et survolté.

Un univers plus hétéroclite qui coïncide avec des inspirations diverses (The Cardigans, Karen O, The Sundays, Aphex Twin, Mazzy Star, Pavement, Elliott Smith, The Beatles). Visuellement, l’artiste puise aussi dans des influences éclectiques, allant des clips de Björk aux films du réalisateur et artiste contemporain thaïlandais Apichatpong Weerasethakul et à ceux de Wong Kar-wai, qui influencent ses looks. 

Beabadoobee – Talk (2022).

L’aventure Coachella

Mais certaines des influences de la Britannique ne sont pas artistiques. La guitariste et chanteuse à laquelle on doit le titre Glue Song (2023) avoue qu’avant d’écrire l’un des meilleurs morceaux de Beatopia, le single See You Soon, elle avait pris des champignons et fait un trip épique – durant lequel elle avait pleuré pendant des heures. Résultat ? Selon elle, toutes les énergies négatives qu’elle cultivait avaient, lors de cette expérience psychédélique, quitté son corps. Ce n’était pas un cas isolé. Dans la plus pure tradition du rock’n’roll, terre d’excès par excellence, la jeune star admet avoir consommé la même drogue avant de monter sur la scène de Coachella, ce qui avait altéré sa lucidité durant ce show mémorable.

Lors de notre entretien à Rock en Seine, la chanteuse ajoute qu’avant chacun de ses concerts, elle doit boire quelques shots de vodka pour envoyer valser le stress. Serait-ce pour faire face à la pression familiale pesant encore sur ses frêles épaules ? La famille asiatique très traditionnelle de l’artiste, qui aurait rêvé de voir plus de musiciennes avec les mêmes origines qu’elle quand elle était enfant, voulait que leur fille devienne médecin, ou, qu’à défaut, elle joue d’un instrument dans un orchestre. En suivant son propre tempo, la songwriteuse guérit aujourd’hui les plaies de l’âme, à défaut de celles du corps.

This Is How Tomorrow Moves (2024) de Beabadoobee, disponible le 9 août 2024.

Beabadoobee – Care (2020).