18 oct 2021

Banksy bat un nouveau record chez Sotheby’s avec son œuvre autodétruite

Seulement trois ans après s’être auto-découpée en direct lors de sa vente chez Sotheby’s, l’œuvre Love is in the Bin du street-artiste Banksy a été adjugée ce jeudi 14 octobre pour l’équivalent de 21,8 millions d’euros à Londres. Un record qui, une fois de plus, interroge les motivations et engagements de son auteur au visage inconnu… 

Ce jeudi 14 octobre à Londres, la salle des enchères de la maison internationale Sotheby’s est une nouvelle fois pleine à craquer. Des dizaines de personnes s’y pressent autour de l’œuvre de Banksy, Love is in the Bin (“L’amour est dans la corbeille”), l’un des pochoirs les plus célèbres du street-artiste représentant sur une toile blanche une jeune fille en train de lâcher un ballon de baudruche rouge. Une telle scène n’est pas sans rappeler l’exaltation qui avait gagné la même salle de vente trois ans plus tôt. En 2018, Love is in the Bin – initialement baptisée Girl with Balloon — avait déjà agité l’ensemble du monde de l’art lorsque l’œuvre avait finalement été adjugée au prix de 1,1 million de dollars, une somme remarquable pour l’époque. Mais à peine le claquement sec du marteau du commissaire-priseur avait-il retenti, pour marquer son attribution à une collectionneuse restée anonyme, que la peinture s’est mystérieusement animée. À la manière d’une feuille sortant d’une imprimante, la toile a lentement glissé de son support vers le bas du cadre, libérant sa partie inférieure découpée en fines lamelles sous les yeux affolés de l’assemblé. En détruisant sa propre œuvre, l’artiste – réputé pour ses engagements anti-capitalistes –  interrogeait le rapport entre la valeur économique et matérielle de l’œuvre d’art dans le cadre d’un marché libéral et mondialisé permettant à des pièces d’atteindre des sommes mirobolantes. Pourtant, bien loin de jouer en sa défaveur, ce coup de théâtre a en réalité consacré l’homme – dont on ne connaît aujourd’hui toujours pas l’identité – sur le marché de l’art international.

 

Bien qu’à moitié déchiquetée, Love is in the Bin est de nouveau passée sous le marteau ce jeudi 14 octobre dernier, sa collectionneuse ayant décidé de s’en séparer au bout de trois ans. Malgré le précédent coup d’éclat, le tableau est pourtant resté relativement intact, sa moitié supérieure n’ayant pas même été touchée. Quant à sa moitié inférieure, la découpe suit des lignes droites à la verticale, dont les lamelles de taille égale conservent le dessin d’origine presque intact. Pendant plusieurs minutes, une dizaine de personnes a enchéri pour tenter d’acquérir l’œuvre, estimée entre 4 et 6 millions de dollars, finalement adjugée à un collectionneur privé asiatique pour 18,6 millions de livres – soit 21,8 millions d’euros, environ 18 fois le prix d’achat d’origine. Jamais une œuvre de Banksy n’avait atteint un tel montant. Relique d’un moment historique dans le marché de l’art, Love is in the Bin cristallise aujourd’hui toute l’ambiguïté de Banksy, dont le discours explicitement engagé s’embrume à mesure que sa cote sur le marché grimpe, et que ses œuvres continuent sans lui d’alimenter le système qu’il critique avec tant de panache. À moins que l’œuvre, qui vient de trouver son troisième propriétaire, ne dévoile plus tard une nouvelle surprise…

Banksy, Love is in the Bin. Courtesy de Sotheby’s.