31 oct 2022

Portrait of Emmanuel Perrotin, the Parisian gallery owner set out to conquer the world

Avec huit espaces dans le monde, de New York à Tokyo en passant par Dubai, Emmanuel Perrotin peut se targuer d’une réussite insolente. Le galeriste parisien, qui représente notamment la superstar Takashi Murakami, doit son succès à sa capacité à rendre l’art contemporain, de son propre aveu, plus accessible.

Emmanuel Perrotin, photographié le 5 juillet 2022 devant sa galerie de la rue de Turenne, Paris IIIe. Surchemise en laine, tee-shirt en coton, pantalon en drap de laine et boots, BERLUTI. Coiffure et maquillage : Simon Chossier chez B-Agency

Retrouvez ce portrait dans le Numéro Homme 44, disponible en kiosque et sur iPad depuis le 14 octobre.

 

 

L’annonce ne va pas casser Internet mais elle en amusera plus d’un : Emmanuel Perrotin se lance dans les tutos, ces petites vidéos fun et pédagogiques qui fleurissent sur les réseaux. Va-t-il y expliquer la recette d’un cake de Takashi Murakami ? Au contraire, le cinquantenaire y apparaît, présidentiel derrière son bureau, pour rappeler les valeurs de sa galerie, ses méthodes de travail ou, plus prosaïquement, quelques règles de vivre-ensemble. Ne les cherchez pas sur TikTok, les vidéos ne sont accessibles qu’à ses employés, à travers l’appli de l’entreprise. Après trente-trois ans de carrière (il a fondé sa galerie à l’âge de seulement 21 ans), l’homme qui dirige aujourd’hui 160 salariés n’a qu’une obsession : faire tourner la machine, partout, tout le temps. C’est que le réseau Perrotin s’étend désormais sur quatre continents et sept villes (de Paris à Séoul, de Dubai à New York). Derrière le cliché de party boy se terre en réalité un Emmanuel Perrotin entrepreneur, geek (dès son premier emploi à l’âge de 18 ans), intensément innovant et disruptif.

 

D’Emmanuel Perrotin, on aime surtout à rappeler les frasques – savamment mises en scène par lui-même, en excellent communicant. En 1995, sur une idée de l’artiste Maurizio Cattelan (qu’il représente), il revêt un costume phallique de lapin rose pour accueillir les collectionneurs. Vingt-cinq ans plus tard, il surfe sur le buzz de la fameuse banane du même artiste. Un fruit sommairement scotché au mur et vendu à 120 000 dollars par sa galerie à Art Basel Miami. Entre les deux, Perrotin acquiert la réputation d’“oiseau de nuit” (il est vrai que ses fêtes sont réussies) rentré dans le star-system en associant son image à Pharrell Williams, entre autres. Là où certains voient une nature, l’homme dessine en réalité une stratégie. “Quand j’ai ouvert ma galerie, je n’étais pas bien né et je n’avais pas les réseaux, confie-t-il. Si je voulais que les gens viennent à nous, il fallait que l’on parle de nous. C’était une nécessité. En popularisant la galerie, je permets aussi à mes artistes de profiter de la marque Perrotin, devenue un vecteur de communication en soi.” Populaire, à l’instar de ce Perrotin Store – mêlant merchandising et œuvres bling-bling – ouvert cet été en plein Las Vegas, ou comme ses artistes méga stars Kaws et JR qui déplacent les foules, mais font se pincer le nez à la partie la plus snob du monde de l’art. “On semblerait dire que la variété de mes goûts est une incohérence ; moi, je parlerais plutôt d’ouverture d’esprit. Comme pour la musique, j’aime beaucoup de choses.” Sa programmation tient en effet de la mixtape, brassant des conceptuels comme le duo Elmgreen & Dragset et la Française Sophie Calle, des blockbusters comme Takashi Murakami, de très bons jeunes artistes en pleine ascension (Jean-Marie Appriou ou Genesis Belanger), des génies historiques coréens comme Park Seo-Bo et l’imagerie manga d’un Mr.

 

La galerie a été une machine à rendre l’art contemporain plus accessible, explique-t-il. Je ne suis pas de ceux qui se satisfont d’être les rois de l’intérieur du périphérique.” Il fut en effet un précurseur en installant sa galerie à Hong Kong (2012), puis en Corée du Sud (2016). Il sera dès novembre 2022 à Dubai. “Depuis mes débuts, j’ai peur de l’ombre des grosses galeries. À tout moment, elles ont la puissance de dégainer pour vous prendre un artiste. Jusqu’à parfois le payer 50 millions de dollars…” Les projets fleurissent donc, aussi inattendus qu’iconoclastes (une marque de fabrique) : une bougie parfumée à l’essence de la galerie, une résidence d’artistes au cap Ferret, un speakeasy dans l’espace new- yorkais et… l’entrée dans la galerie du collectif new-yorkais MSCHF (prononcez “Mischief”). En se renseignant, on découvre parmi ses membres les auteurs d’une paire de Nike satanique et d’un collier de chien qui traduit les aboiements en insultes. “Ils seront peut-être les auteurs de la prochaine banane”, s’enthousiasme Emmanuel Perrotin. Pour faire partie du crew de Brooklyn, celui-ci a été mis au défi de leur voler un objet dans leur studio. Le galeriste est reparti avec un skateboard sous le manteau. Un prototype qu’il leur a rendu. Emmanuel Perrotin a toujours quelques clichés qui lui collent à la peau, mais jamais celui d’être malhonnête.

Emmanuel Perrotin, photographed July 5th 2022 in front of his gallery on Rue Turenne, Paris. Overshirt in wool, t-shirt in cotton, pants in linnen and boots, Berluti. Hair and Make up : Simon Chossier at B-Agency

Find this portait in Numéro Homme 44, available in newsstands and on iPad since October 14

 

 

The news won’t break the Internet, but it will entertain more than one: Emmanuel Perrotin is launching a new series of tutorials, these fun and educational videos that are flourishing on social media. Will he share the recipe for a Takashi Murakami cake? Quite the contrary, the fifty-year- old appears on his presidential seat behind his desk reminding us of his gallery’s values, working methods or, more prosaically, of a few rules of living together. Don’t look for them on TikTok, as these videos are only accessible to his employees through the company’s app. After a thirty-three-year career, the man who founded his gallery at 21 and manages 160 employees now has only one obsession – to keep the machinery running, everywhere, always. Indeed, the Perrotin network now expands on four continents and in seven cities, from Paris to Seoul, Dubai, and New York. Behind the stereotype of the party boy stands Emmanuel Perrotin, the entrepreneur and geek since his first job at the age of 18 with an intense sense of innovation and disruption.

Emmanuel Perrotin’s skillfully staged antics, as the excellent speaker he is, are best remembered. In 1995, based on an idea from the artist Maurizio Cattelan, whom he represents, he put on a phallic pink rabbit costume to welcome the collectors. Twenty-five years later, he rode on the wave of success triggered by the famous banana designed by that same artist. The fruit was simply taped to the wall and his gallery sold it for 120,000 dollars at the Art Basel in Miami. Between those two events, Perrotin has acquired the title of a “night owl”, who entered the star system by associating his image with Pharrell Williams, among others – and truth be told, his parties are always a success. Where some might see a natural character trait, the man is in fact drawing his strategy. “When I first opened my gallery, I wasn’t coming from the right family and I didn’t have any network,” he says. “We had to become the center of attention, so that people would come to us. It was a necessity. By popularizing the gallery, I also allowed my artists to benefit from the Perrotin brand, which has now become a communication medium.” Popular, just like the Perrotin Store mixing merchandising and bling- bling artworks which opened last summer in central Las Vegas, or like its superstar artists Kaws and JR, who move mountains while making the snobbiest sphere of the art world hold their nose. “Some would argue that having a variety of tastes is inconsistent. I would rather call it open-mindedness. Like in music, I love many different things.” As a matter of fact, his line-up feels like a mixtape, including conceptual artists such as the duo Elmgreen & Dragset or the French Sophie Calle, blockbusters like Takashi Murakami, great upcoming artists like Jean-Marie Appriou or Genesis Belanger, historical Korean geniuses like Park Seo-Bo and the manga imagery of Mr.

 

“The gallery has been a tool to make contemporary art more accessible”, he explains. “I’m not one of those people who satisfy themselves being the kings of the inner ring road.” Indeed, he became a pioneer after he opened his gallery in Hong Kong in 2012, and in South Korea in 2016. He will then settle in Dubai in November 2022. “Since I started, I have been fearing the shadow of the big galleries. They have the power to take an artist from you at any moment. They can even pay them up to 50 million dollars sometimes…” Unexpected and iconoclastic being the gallery owner’s trademark, his projects are flourishing and extending from a scented candle with the essence of the gallery, an art residency in Cap Ferret, a speakeasy in his New York space to… the New York collective MSCHF’s (“Mischief”) entry in the gallery. After some research about the members of the collective, one discovers the authors of a satanic pair of Nike and of a dog collar that translates barking into insults. “They might become the authors of the next banana”, Emmanuel Perrotin declares, thrilled. To be part of the Brooklyn crew, he was challenged to steal an object from their studio. The gallery owner left with a skateboard hidden in his coat – a prototype that he returned to them. Emmanuel Perrotin still is the victim of a few rooted clichés, but never that of being dishonest.